image menu.png
Avec des rossiniens, Saint-Denis exhorte au premier devoir de Mozart !

Avec des rossiniens, Saint-Denis exhorte au premier devoir de Mozart !

Le Festival de Saint-Denis sonne l’ouverture de la saison estivale de qualité grâce à ses affiches prestigieuses. Le mélomane y vient conquis même lorsqu’on lui propose un rare Mozart chanté par des rossiniens. Explications…

Ensemble Il Caravaggio et Camille Delaforge © Charles Plumey

La visite à Saint-Denis s’impose aux amateurs d’histoire et de culture pour le rendez-vous avec les ancêtres mais elle est également un incontournable pour les mélomanes. Chaque saison depuis 1969, année révolutionnaire, la programmation du Festival de Saint-Denis continue à porter les lauriers en couronne grâce à la venue de grands artistes sur la scène de la Basilique, mausolée des rois de France. Transformée en prestigieuse salle de concert, elle a accueilli, le jeudi 19 juin 2025, la tournée de l’Ensemble Il Caravaggio qui promène Die Schuldigkeit des ersten Gebots (Le Devoir du premier Commandement) du jeune Mozart avec différentes distributions. À Saint-Denis, les mélomanes ont retrouvé une rossinienne récemment acclamée qui n’a pas laissé de marbre dans une œuvre agréablement ressuscitée.

Aux compositeurs bien nés, la valeur n’attend point le nombre des années

Camille Delaforge © Emilie Brouchon

Mozart, petit génie et enfant star du clavier, a parcouru l’Europe grâce à ses talents hors du commun. Doté dit-on de l’oreille absolue, il a commencé la composition très tôt. À onze ans, on lui doit déjà des sonates pour violon et clavier, quelques onze symphonies et ce Die Schuldigkeit des ersten Gebots. Créé en 1767, l’oeuvre est souvent considérée comme son premier opéra mais s’il s’agit à proprement parler d’un drame sacré (Geistliches Singspiel), sorte d’oratorio qui met en scène des allégories. Même si l’œuvre est rarement à l’affiche, elle a fait l’objet de productions et de quelques enregistrements. La jeune cheffe Camille Delaforge a sorti un CD en novembre 2024 qui a fait grand bruit. Elle continue depuis à faire tourner l’ouvrage et elle fait bien ! Bien plus qu’un charmant exercice de jeunesse sous influence de papa Mozart, Die Schuldigkeit des Ersten gebots réserve de belles surprises. Même si l’on est encore loin de la parfaite maîtrise des opéras da pontiens, certains airs annoncent déjà Die Zauberflöte avec une virtuosité des plus intéressantes. L’acoustique et la réverbération de la Basilique de Saint-Denis n’empêchent pas d’apprécier les sonorités baroques de l’Ensemble Il Caravaggio et la direction appliquée de Camille Delaforge qui défend l’œuvre avec conviction.

D’une artiste bien connue, et qui n’est ni tout à fait la même ni tout à fait une autre…

Die Schuldigkeit des ersten Gebots (Festival de Saint-Denis) © HRC

Inédit, le plateau vocal réunit à Saint-Denis avait de quoi surprendre car parmi les artistes, deux chanteurs venaient tout juste de quitter les représentations de Semiramide de Rossini à l’Opéra de Rouen et du Théâtre des Champs-Elysées. Il aura fallu deux jours à Karine Deshayes et à Alasdair Kent pour se glisser dans les costumes de Barmherzigkeit et Christgeist. Le jeune ténor australien possède une voix agréable et suffisamment d’expressivité pour se faire remarquer. Si l’ajout de suraigus est attendu chez Rossini il est moins bienvenu ici, le rétrécissement de l’instrument provoquant des sons détimbrés qui ne mettent pas l’artiste en valeur. La technique belcantiste aide assurément à sauter d’un répertoire à l’autre mais il ne faut jamais oublier le style. A ce propos, parler de miracle en évoquant Karine Deshayes semble le moindre des compliments dans cet univers sacré. Après les vocalises à mitraillette de Semiramide, la voici naturelle et évidente dans un air complexe (« Ein ergrimmter Löwe brüllet ») qu’elle domine sans la moindre difficulté. Inouïe, après avoir couvert la large tessiture avec quelques aigus sonores, la voix allégée nous offre un piano final magnifique qui nous transporte au paradis. Sans démériter, la prestation de Rocío Pérez (Gerechtigkeit et Weltgeist) appelle quelques réserves. Il faut dire qu’après la leçon de chant de Mademoiselle Deshayes, la soprano (qui nous avait séduits en Reine de la nuit à Gstaad) semble bien souvent dans la démonstration avec des aigus trop volontaires. Ein lauer und hinnach eifriger Christ incarné par Jordan Mouaïssia est une belle découverte. Le ténor qui est à l’affiche de l’enregistrement de Camille Delaforge possède le naturel attendu et de beaux moyens vocaux qui ne demandent qu’à se développer, charmant même les oiseaux qui l’ont accompagné de façon impromptue lors de son air.  Le solide quatuor a fini d'enchanter avec en bis "Soave sia il vento" de Così fan tutte, morceau idéal pour rester encore une dernier moment en lévitation.

Die Schuldigkeit des ersten Gebots (Festival de Saint-Denis) © SPM

Faust transformé en Comique à la Salle Favart

Faust transformé en Comique à la Salle Favart

Prédateurs à l’Opéra de Rouen, Deshayes ensanglantée et Fagioli perdu !

Prédateurs à l’Opéra de Rouen, Deshayes ensanglantée et Fagioli perdu !