Quels compositeurs va-t-on fêter en 2026 ?
Chaque saison, des compositeurs sont plus dans l’actualité que d’autres grâce simplement à leur année de naissance ou de mort. Après une année 2025 très chargée, qui seront les grandes personnalités de l’année 2026 ? Réponse…
Depuis 2019 et l’existence de cet article, on n’avait rencontré année aussi riche que 2025 ! A croire que tous les compositeurs marquants sont nés ou morts en année 25 ou 75. Georges Bizet, Maurice Ravel, Erik Satie jusqu’à Pierre Boulez chez les français, Giovanni Pierluigi da Palestrina, Alessandro Scarlatti ou Antonio Salieri de l’autre côté des Alpes sans oublier le russe Dmitri Chostakovitch ou le plus célèbre compositeur de valses viennoises, Johann Strauss II. Même Johann Sebastian Bach s’est invité sur la photo à l’occasion des 275 ans de sa mort, comme s’il avait besoin de commémorations pour faire parler de lui ! La fin de l’année annonce les bilans et celui de 2025 sera simple. Les plus connus ont été joués à peine plus, voire autant que les années précédentes tandis que malgré quelques initiatives, Salieri reste toujours dans l’ombre de Mozart et Alessandro Scarlatti attend toujours son heure. Avec de moins en moins de confort financier, les programmateurs misent sur les valeurs sûres pour remplir leurs salles. Qui a entendu une note de François-Adrien Boieldieu cette saison ? La musique classique a pourtant tant à offrir. Elle qui se nourrit toujours de redécouvertes a ouvert une magnifique fenêtre aux grandes oubliées de l’histoire, les compositrices.
A la fin, ce sont toujours les Allemands qui gagnent
Grâce à l’effort conjugué des musicologues et des artistes qui se sont penchés sur les destins incroyables de ces femmes déconsidérées parce qu’elles appartenaient à l’autre sexe, la lumière est enfin braquée sur un pan énorme de notre répertoire. Puisque la limite de cet exercice est de parler déjà de ces messieurs les plus connus, il nous a semblé pertinent de mettre en « bis » (même si certaines ont déjà gagné l’égalité comme Betsy Jolas) des femmes bien moins connues que leurs confrères mais qui méritent tout autant d’être citées. En 2025, Louise Farrenc, Marie Jaëll et Cathy Berberian auraient dû être mises encore plus en avant. Il faut saluer ici les efforts salutaires de Présence Compositrices et La boîte à pépite, par exemple, ou des Bru Zane pour les encourager à poursuivre leur travail remarquable et absolument nécessaire. Alors que nous réserve 2026 ? Un nom se détache déjà, celui de Weber, exemple parfait du romantisme allemand qui devrait être la personnalité de l’année 2026, à moins que le génial Britten ne lui vole la vedette ! Comme Alessandro Scarlatti, Francesco Cavalli mérite vraiment les projecteurs mais il est fort à parier que les officiels italiens s’intéresseront moins à la musique baroque qu’à leurs têtes de gondole habituelles : Verdi (mort il y a 125 ans), Puccini et Rossini. Bien d’autres attendent de faire parler un peu plus d’eux comme Manuel de Falla ou, tout simplement de se faire mieux connaître. CCC a dressé cette liste non exhaustive des compositeurs et des compositrices né(e)s ou mort(e)s il y a 50, 100, 150, 200, 350 ou 400 ans pour pointer quelques projecteurs sur…
1 - Carl Maria von Weber mort il y a 200 ans
Les figures qui ont marqué le romantisme allemand sont nombreuses et pourtant, Weber tient une place de choix au panthéon des compositeurs comme le fondateur de l'opéra romantique. Créé à Berlin pour l’inauguration de l’actuel Konzerthaus, Der Freischütz est un immense chef-d’œuvre qui a profondément marqué son époque en influençant Wagner, Berlioz ou Mendelssohn. Comme souvent, l’impact d’un ouvrage occulte l’ensemble d’une œuvre qui aurait pu être plus abondante. Weber qui a eu une vie a été assez mouvementée est mort prématurément à l’âge de 39 ans d’une tuberculose. Né dans une famille de musiciens, il suit l’enseignement de Michael Haydn (frère de Joseph) et de l’Abbé Vogler et a comme camarade Meyerbeer. Son père l’entraine dans le tumulte d’une vie itinérante. Il occupera le poste de maître de chapelle à Prague avant de se poser à Dresde où il compose L’Invitation à la valse et ses opéras réputés Euryanthe et Oberon. Il a écrit près de 300 œuvres dont les concertos pour clarinette mais une bonne partie de sa musique attend d’être redécouverte.
1 bis - Louise Reichardt (1779 - 1826) morte il y a 200 ans
Une compositrice de plus cantonnée à d’aimables pièces de salon parce que leur sexe ne leur permettait pas d’affronter les genres « nobles » de l’opéra ou de la symphonie. Autre époque, autre mœurs, bien révolues, nous pouvons redécouvrir Louise Reichardt et ses Lieder. Compositrice et cheffe de chœur allemande, elle a connu un grand succès grâce à ses « chansons romantiques » et son style inspiré de la musique folklorique. Née à Berlin, elle est fille et petite-fille de compositeurs (papa Johann Friedrich Reichardt et papy Franz Benda). Elle a côtoyé Goethe, Novalis, Clemens Brentano et Philip Ludwig Achim von Arnim dont elle utilise quelques poèmes qu’elle met en musique. C’est à Hambourg qu’elle s’installe et qu’elle étudie et ensuite qu’elle écrira pas loin de deux-cent pièces. Il faut savoir, pour l’anecdote, que le fiancé de la pauvre Louise est mort peu de temps avant la noce. Destin tragique (ou terriblement romantique d’un autre point de vue), un deuxième prétendant meurt lui aussi avant leur union. Profondément marquée, elle se tourne vers la religion et compose des chants sacrés.
2 - Benjamin Britten (1913 - 1976) mort il y a 50 ans
Toujours dépendant du goût de ses souverains, le Royaume-Uni laisse peu de grandes figures de la musique classique. Il est d’autant plus important de célébrer Benjamin Britten, le plus grand compositeur d’opéra du XXe siècle. Comme pour les ouvrages de Poulenc, la popularité de ses chefs-d’œuvre est grandissante et l’on mesure l’influence de sa prosodie dans les créations contemporaines qui suivent toujours son modèle. Né dans une famille où la pratique de la musique est encouragée, il a Frank Bridge comme mentor et étudie au Royal College of Music avec John Ireland avant de composer son premier chef-d’œuvre A Simple Symphony à l’âge de 21 ans. Un séjour au Etats-Unis sera déterminant dans sa carrière d’artiste mais aussi pour l’homme. Fervent pacifiste, il sera objecteur de conscience et mènera une vie de couple avec le ténor Peter Pears dans une époque où l’homosexualité est encore taboue. Avec des œuvres déchirants comme The Rape of Lucretia, Deborah Warner est la metteuse en scène qui a le mieux saisi l’essence du drame intime et profondément bouleversant de Billy Budd ou Peter Grimes.
L’histoire de la musique classique est ponctuée de renaissances comme celles qui ont permis la redécouverte récente de tous les opéras de Rossini ou de Vivaldi. Portée notamment par le chef Leonardo García Alarcón, la renaissance Francesco Cavalli n’a eu lieu qu’en partie, l’un des piliers de l’opéra vénitien du XVIIᵉ siècle méritant assurément d’être mieux connu et plus souvent joué. Héritier direct de Monteverdi dont il a été l’élève, il est le maître incontesté de la première et riche période vénitienne. Cavalli, avec une quarantaine d’opéras à son actif, a développé le genre opéra succédant à Monteverdi le fondateur. Son succès a été tel qu’il a dépassé les frontières de la République de Venise. Avec vingt-quatre productions recensées en Europe, Il Giasone est l'opéra italien le plus représenté au XVIIe siècle. Grâce à sa réputation et parce qu’il est le plus grand compositeur de son temps, il est invité à la cour de France par Mazarin pour inaugurer le Théâtre des Tuileries. Un certain Lully fera tout pour lui mettre des bâtons dans les roues. De retour à Venise, il compose des œuvres religieuses avant de s’éteindre.
Enracinée dans les traditions musicales de son pays natal, l’oeuvre de Manuel de Falla a façonné l’identité musicale espagnole moderne. Ami de Paul Dukas et contemporain de Debussy, Ravel et Albéniz qu’il a côtoyé, il est resté ouvert aux courants européens de son époque et demeure l’un des plus grands compositeurs espagnols du XXᵉ siècle. Natif de Cadix, il s’installe à Madrid pour étudier mais c’est à Paris, dans l’effervescence artistique du moment, qu’il parfait son style en enrichissant son orchestration. Fidèle à ses racines populaires, en particulier andalouses, il y compose une première esquisse des Noches en los jardines de España. De retour en Espagne en 1914, la période de l’après-guerre est particulièrement fructueuse en chefs-d’œuvre, El amor brujo, El sombrero de tres picos, etc. pour ensuite évoluer vers un style plus dépouillé dans une économie d’écriture. El retablo de Maese Pedro et le concerto pour clavecin sont considérés comme les derniers chefs-d’œuvre de de Falla, fervent catholique, qui s’exile en Argentine après la guerre civile espagnole où il mourra.
4 bis - Armande de Polignac (1876 - 1962) née il y a 150 ans
Dans la grande et prestigieuse famille Polignac, mélomanes bien connus, la princesse de Polignac née Winnaretta Singer est la plus célèbre pour avoir, entre autres, accueilli la présentation d’El retablo de Maese Pedro de Manuel Falla, à Paris. Sa nièce, Armande de Polignac, est la compositrice qui nous intéresse dans ce chapitre. Née à Paris, elle passe cependant son enfance à Londres où elle reçoit son éducation musicale qui la mène au piano et au violon. De retour à Paris, elle a comme professeurs Eugène Gigout, Gabriel Fauré et Vincent d'Indy avec qui elle suit même des cours de direction (elle sera une cheffe pionnière). Après s’être mariée et avoir une petite Hedwige, à l’abri du besoin, elle se consacre entièrement à la composition. Ses études intensives du chant grégorien, des modes et du contrepoint à la Schola Cantorum comme les quelques voyages qu’elle a effectué en Orient son source d’une inspiration assez prolifique. Elle écrit cent cinquante pièces dont une trentaine pour orchestre symphonique dans un style que certains rapproche de Moussorgsky, Stravinsky et Richard Strauss.
5 - John Dowland (1563 - 1626) mort il y a 400 ans
Sting, le fameux chanteur britannique ex-membre du group Police, a consacré son huitième album Songs from the Labyrinth au compositeur de la Renaissance anglaise John Dowland, atteignant même la vingt-quatrième place du classement des albums au Royaume-Uni ! Une telle notoriété pour un compositeur de musique classique s’explique aisément tant les mélodies accompagnées au luth possèdent une mélancolie raffinée qui ont déjà fait leur réputation. Même si les détails sur sa jeunesse sont peu connus, on sait qu’il se forme très tôt au luth, l’instrument majeur de l’époque, puis il voyage jeune sur le continent, notamment en France, où il se perfectionne. Sa conversion au catholicisme l’éloigne un temps de la cour d’Angleterre dans cette période élisabéthaine. Il entrera au service de Moritz de Hesse et parcourt l’Europe, Venise, Florence et Nuremberg avant de devenir luthiste de la cour du roi Christian IV de Danemark, l’une des plus fastueuses. Il rentre en Angleterre où, même si sa productivité diminue, il est nommé luthiste de la Chambre du Roi Jacques Ier, poste longtemps convoité.
6 - Louis-Nicolas Clérambault (1676 - 1749) né il y a 350 ans
Le maître incontesté de la cantate française, Clérambault est vraiment une personnalité à connaître. Issu d’une grande famille de musiciens français où la pratique et les charges se transmettaient de père en fils, il suit l’enseignement de son père et d’autres artistes confirmés comme André Raison et Jean-Baptiste Moreau. Louis XIV qui entend et apprécie une de ses cantates lui ordonne d’en composer d’autres pour le service de sa chambre. Bientôt nommé surintendant de la musique particulière de Madame de Maintenon, son aventure est liée à celle de Saint-Cyr où la favorite (puis épouse) du roi souhaitait donner une éducation intellectuelle et artistique à des jeunes filles nobles pauvres ou sans fortune. C’est dans ce contexte que Clérambault a créé des œuvres adaptées à ces élèves aux voix féminines. Alors qu’il a publié deux tomes de Chants et Motets à l’usage des Dames de la Royale Maison de St-Cyr, Clérambault, également organiste ou claveciniste, aurait composé pour la franc-maçonnerie.
Dans la grande famille Couperin, piochons pour une fois l’oncle Louis ! Le neveu François est la star bien connue des mélomanes pour avoir composé les Leçons de ténèbres et beaucoup d’autres chefs-d’œuvre, notamment pour le clavecin (Les Barricades mystérieuses, c’est lui aussi !). Les amateurs de clavier s’intéresseront également et peut-être avant tout à tonton. En effet, même si tous deux sont originaires de Chaumes-en-Brie, Louis est considéré comme l’un des grands maîtres du clavecin et de la musique instrumentale française du XVIIᵉ siècle. L’engouement qu’il n’a cessé de provoquer auprès des générations de brillants clavecinistes comme Gustav Leonhardt, Christophe Rousset ou récemment Jean Rondeau est sans doute le signe de la renaissance du fondateur de l’école française du clavecin. C’est parce qu’avec ses deux jeunes frères, il a offert une aubade à Jacques Champion de Chambonnières qu’il s’est fait remarquer. Invité à se produire à Paris, il deviendra organiste titulaire de l'église Saint-Gervais et musicien de cour de Louis XIV, lançant ainsi la renommée des Couperin !
Il est sans doute raccourci de dire que Legrenzi fait le lien entre Cavalli et Vivaldi et pourtant, le compositeur mort à Venise a principalement été actif dans cette ville ouvrant très certainement des portes au Prêtre roux. Il écrit à la fois des oeuvres vocales et instrumentales avant de se consacrer uniquement à la musique religieuse et aux oratorios lorsqu’il devient vice-maître puis premier maître de chapelle de St-Marc, l’une des charges les plus prestigieuses. Pour avoir été le maître de Lotti, Caldara, Gasparini, D. Gabrieli, etc. il a eu une influence très grande sur la génération suivante de compositeurs italiens. Il est possible qu’il ait eu le jeune Antonio Vivaldi comme élèvre. Legrenzi a également composé des sonates “da chiese” solennelles et “da camera” plus légères posant la distinction entre les deux. Dans sa période lyriques, successeur de Monteverdi et Cavalli, il compose une vingtaine d’ouvrages et garde une prédilection pour l’opéra héroico-comique où s’exprime son talent d’instrumentiste. Son styls concis n’empêche pas à ses airs de se développer dans une forme qui annonce l’aria da capo.
György Kurtág aura 100 ans le 19 février 1926 ! Le compositeur hongrois centenaire est l’un des plus connus et des plus joués aujourd’hui. Ce qui n’a pas toujours été le cas. Né dans la minorité hongroise de la Roumanie d'alors, il a grandi dans une famille cultivée où la musique tient une place importante. Comme il montre des dispositions pour la composition, il part à Budapest où il suit l’enseignement des grands maîtres Sándor Veress ou Ferenc Farkas. C’est au Conservatoire Franz Liszt qu’il rencontre sa femme Márta, pianiste et grande pédagogue décédée en 2019. Kurtág compose peu et détruit une partie de ce qu’il a écrit dans ses années sous le régime communiste hongrois, marquées par la fermeture à l’occident. Une bourse lui permet de passer un an à Paris où il découvre Milhaud et Messiaen. Après une profonde crise artistique et personnelle, il retrouve son inspiration et compose à Budapest tout en enseignant au conservatoire. Ses œuvres restent confidentielles jusqu’en 1981 où, grâce à Pierre Boulez, elles sont mises en lumière, lui offrant une renommée internationale dont il jouit toujours.
9 bis - Betsy Jolas née (1926 -*) il y a 100 ans
Betsy Jolas aura, elle aussi, 100 ans, le 5 août 1926 ! Elle est l’une des grandes figures de la musique contemporaine française. Certes moins connue que Boulez ou Dutilleux, elle est estimée pour un langage singulier alliant modernité, expressivité et clarté. Sa carrière traverse presque un siècle de création musicale et reste marquée par une rare liberté stylistique. Betsy Jolas est née à Paris, dans une famille franco-américaine d’intellectuels et d’artistes. Sa famille se réfugiant aux États-Unis pendant la guerre, elle y poursuit sa formation musicale. De retour en France, comme Kurtág, elle fait deux rencontres décisives avec Darius Milhaud et Olivier Messiaen qu’elle remplacera au Conservatoire comme professeur d’analyse (elle sera également professuer de composition). Chargée de programmation à la radio, elle est soutenue par Henri Dutilleux et reçoit de nombreuses commandes. Figure indépendante, elle refuse le tout sérialisme pour composer une oeuvre personnelle reconnaissable à l’importance qu’elle porte à la voix. Betsy Jolas a reçu des commandes jusqu’à très tard…
Même s’il résidait en Italie depuis 1953, Henze est l’un des compositeurs allemands les plus importants du XXᵉ siècle. Ces opéras ont fait une bonne partie de sa renommée pourtant son œuvre, vaste et éclectique, couvre également, la musique orchestrale, la musique de chambre et la musique vocale. Reconnu pour sa capacité à mêler traditions européennes, avant-garde et influences internationales, il a d'abord été influencé par Stravinsky avant de s’initier à la musique sérielle. Il doit ses premiers succès à l’opéra avec Boulevard Solitude ou Der Prinz von Hombourg (où devait débuter à Zurich, quelques années plus tard, le baryton Matthias Goerne). Son parcours musical est marqué par un double héritage : la tradition allemande (Brahms, Wagner, Hindemith) et les innovations modernes (Schoenberg, Boulez). Compositeur prolifique mais portant également un engagement politique et social marqué, notamment à l’extrême gauche, il a composé dix symphonies, une vingtaine d'opéras et de la musique de film (L'Honneur perdu de Katharina Blum de Schlöndorff ou L'Amour à mort d'Alain Resnais).
Toute l’équipe de CCC vous souhaite une très bonne année 2026 !

