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Chorégies 2019 : Rossini, Guillaume Tell et sa pomme à Orange

Chorégies 2019 : Rossini, Guillaume Tell et sa pomme à Orange

Les Chorégies d’Orange est le grand incontournable de la saison des festivals avec ses productions d’opéra. Depuis 150 ans, les titres se sont succédé et pourtant, jamais Guillaume Tell de Rossini n’avait ramené sa pomme. Le héros suisse a-t-il atteint sa cible ? Compte-rendu…

Guillaume Tell © Philippe Gromelle

Guillaume Tell © Philippe Gromelle

Depuis que Jean-Louis Grinda a pris les rênes des Chorégies d’Orange, un souffle nouveau rafraîchit les gradins du Théâtre antique. Après le magnifique Mefsitofele de Boito en 2018, le directeur et metteur en scène a de nouveau parié sur la nouveauté en programmant ce vendredi 12 juillet 2019 Guillaume Tell de Rossini pour la toute première fois sous le ciel étoilé orangeois. Le chef-d’œuvre pourtant bien connu des mélomanes reste un opéra complexe rarement monté. Pour une parfaite réussite comme avec les grands Verdi, il est nécessaire de réunir les meilleurs artistes, un orchestre et des chœurs au niveau et, difficulté supplémentaire, de rendre lisible un livret où plusieurs intrigues se chevauchent sur presque cinq heures de spectacle.

La Suisse fait le mur

Annick Massis © Bruno Abadie

Annick Massis © Bruno Abadie

Avec une mise en scène fluide, Jean-Louis Grinda joue la carte de la tradition en illustrant l’histoire avec des images simples et parfois marquantes (superbe arrivée de l’héroïne à cheval). Pour tout décor, des projections habillent le fameux mur du Théâtre antique et figurent la Suisse, ses montagnes, ses lacs et ses forêts où évoluent les protagonistes dans des costumes plus « opéra » que nature signés Françoise Raybaud. La partition de Rossini a retrouvé ses numéros de ballet souvent amputés. La chorégraphie d’Eugénie Andrin s’intègre parfaitement à l’action en apportant un supplément d’âme notamment lors de la fête sur la place d'Altdorf à l’acte III où, à la façon d’On achève bien les chevaux, les villageois forment une ronde jusqu’à l’épuisement. Ici toutefois, le drame de Guillaume Tell est plutôt une convention où la psychologie des personnages est laissée de côté. Les spectateurs venus très nombreux ont eu tout le loisir d’apprécier la fable du Suisse à la pomme racontée avec une distribution des plus luxueuses.

Pour cette saison anniversaire (les Chorégies d’Orange ont 150 ans), le plus bel hommage a été de convoquer les meilleurs artistes comme l’exceptionnelle Annick Massis. La soprano est sans égale dans le rôle de Mathilde où l’élégance du phrasé aux mille nuances le dispute à la technique belcantiste sans faille. Qu’il soit permis de dire ici qu’une fois de plus Paris passe à côté de ce talent colossal en l’invitant trop peu sur ses scènes, comme avant lui Régine Crespin et tant d’autres artistes françaises.

Une ombre au tableau alpestre

Guillaume Tell © Philippe Gromelle

Guillaume Tell © Philippe Gromelle

Même s’il ne possède pas une prononciation irréprochable, son partenaire Celso Albelo attaque fièrement et sans aucune difficulté l’air pourtant redoutable d’Arnold Asile héréditaire. Ténor vaillant, l’artiste laissera sans doute sa trace dans les mémoires des festivaliers avec un aigu longuement tenu. Le baryton Nicolas Alaimo est l’évidence même dans le rôle-titre qu’il sert avec un timbre chaleureux et une diction impeccable. Dans Guillaume Tell créé pour l’Opéra de Paris en 1829, Rossini a multiplié les seconds rôles. Gessler, le méchant de l’histoire (excellent Nicolas Courjal) n’apparaissant qu’à la fin de l’ouvrage, la partition reste libre pour de nombreuses interventions où il convient de citer Nora Gubish (dans le rôle de maman Tell) ou Nicolas Cavallier (un Suisse conjuré) toujours parfaitement investis. Cyrille Dubois chante divinement le rôle du pécheur Ruodi qu’il sort de l’anonymat.

Offrant une nouvelle variation d’un rôle de petit mec, Jodie Devos crédible incarne le fils Jemmy (alias le socle de la pomme) avec de solides aigus qui traversent l’orchestre comme sa flèche. Seule ombre au tableau alpestre, Gianluca Capuano ne s’est pas hissé sur les mêmes sommets avec une direction désordonnée. A la tête d’un somptueux Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, le chef a trop poussé le volume couvrant ses chanteurs. Les chœurs (Opéra de Monte-Carlo et Capitole de Toulouse) pourtant remarquables ont connu de nombreux décalages. Quelques nuages ne gâchant pas la fête, les Chorégies d’Orange ont offert avec Guillaume Tell une belle soirée de festival. A 150 ans, le plus vieux festival au monde en pleine forme sait entretenir la flamme en affichant les titres moins surexploités avec des distributions superlatives. Les mélomanes attendent maintenant les prochains rendez-vous avec une évidente impatience.

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