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Sexe et grandes voix, la Carmen de Bastille

Sexe et grandes voix, la Carmen de Bastille

Alors qu’il s’attendait à voir le grand Roberto Alagna et la splendide Anita Rashvelishvili à l’affiche de Carmen à l’Opéra Bastille, le mélomane a eu la surprise d’applaudir un nouveau Don José français. Compte-rendu…

L’on s’imagine que Carmen est un pilier de l’Opéra national de Paris depuis toujours. Et pourtant, l’entrée au répertoire de la grande institution est relativement récente puisqu’elle date de 1959 (la création ayant été faite à l’Opéra Comique en 1875). Depuis, l’œuvre la plus populaire dans le monde a connu plusieurs séries à Garnier comme à Bastille où la belle bohémienne a déjà inspiré quatre metteurs en scène différents. Jeudi 11 avril 2019, nous avons assisté à la 26ème représentation parisienne de la production signée Calixto Bieito.

Après sa création au Festival de Peralada en 1999, la mise en scène très sexuée de l’Espagnol a pu être chahutée un peu partout dans le monde (notamment San Francisco, Amsterdam, Barcelone, Londres, etc.). Elle apparaît aujourd’hui pour ce qu’elle est, une vision moderne tout à fait cohérente. En actualisant le propos, Bieito (inspiré par l’Espagne franquiste et par le film « Jamón, jamón » de Bigas Lunas) exacerbe les violences, la cruauté de certains personnages et la sensualité de Carmen et de ses consœurs prostituées.

La première d’un nouveau Don José à Paris

Don José (Jean-François Borras) © Emilie Brouchon / Onp

Don José (Jean-François Borras) © Emilie Brouchon / Onp

Annoncé souffrant, Roberto Alagna pour qui le spectacle a été taillé sur mesure a été remplacé ce soir de première par le ténor français Jean-François Borras qui possède assurément les moyens du rôle. Malgré quelques petits accidents admirablement négociés, « La fleur que tu m’avais jetée » se termine sur un piano et sans port de voix, comme l’exige la partition. Le chanteur qui a ajouté Don José à son répertoire en 2018 manque encore d’assurance pour oser les débordements physiques et l’outrance des sentiments mais ce que l’on perd en action, on le gagne toutefois en beau chant.

Pourtant largement applaudie, la charmante Nicole Car ne convainc pas le mélomane qui a déjà entendu de nombreuses Micaëla. La voix est opulente, le français incompréhensible et malgré des aigus sonores, l’honnête prestation est marquée d’un style international trop passe-partout. Même s’il ne démérite pas dans le rôle sans doute le plus difficile à distribuer, Roberto Tagliavini n’est pas un Escamillo inoubliable. La basse italienne possède les aigus mais les graves manquent d’autorité pour l’imposer.

L’incroyable performance des enfants

Autour d’eux, les rôles secondaires ont été opportunément distribués à des chanteurs francophones parmi lesquels on remarque tout particulièrement le joliment chantant Boris Grappe, virevoltant Dancaïre et François Rougier impeccable Remendado. Avec une présence perverse et inquiétante, on a connu Jean-Luc Ballestra vocalement plus juste en Moralès tandis que François Lis est parfait de bout en bout dans le rôle de Zuniga.

Enfin, Valentine Lemercier (Mercédès) et Gabrielle Philiponet (Frasquita) forment un bon duo même si cette dernière compromet légèrement l’équilibre avec un aigu parfois trop acide. A propos, il est étonnant de retrouver ce petit défaut pardonnable au sein du chœur que l’on a connu dernièrement beaucoup plus homogène du côté des dames. En revanche, chapeau bas aux membres de la Maîtrise des Hauts-de-Seine et au Chœur d’enfants de l’Opéra national de Paris qui ne méritent que des lauriers pour une diction et une justesse absolument parfaites.

La vraie voix de Carmen

Carmen (Anita Rachvelishvili) © Emilie Brouchon / Onp

Carmen (Anita Rachvelishvili) © Emilie Brouchon / Onp

A la direction de l’orchestre, Lorenzo Viotti est une belle découverte. Même si l’ouverture est prise à toute allure, avec beaucoup d’élégance il a su mettre en avant la beauté des différents pupitres d’un orchestre toujours somptueux. Les aficionados étaient venus en masse pour pouvoir applaudir l’une des plus grandes mezzo actuelles dans le rôle qui l’a fait connaître au niveau international. Anita Rachvelishvili a été découverte à la Scala dans Carmen en 2009. Dix ans après, la voix s’est épanouie et l’interprète a encore gagné en raffinements. Féline, l’immense artiste délivre une leçon de chant notamment lors de cette Habanera aux intonations d’une étourdissante délicatesse. Un très grand moment.

Les heureux hasards de la programmation de l’Opéra national de Paris nous auront permis lors de cette représentation d’apprécier un futur grand Don José et une Carmen à l’apogée de ses moyens vocaux.

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