Scandale à Macerata : Macbeth prend l’eau !
En matière de mise en scène, les festivaliers, parés à tout, s’assurent parfois de trouver le bon spectacle. A Macerata, Macbeth semblait un excellent choix mais des circonstances fâcheuses ont laissé place au scandale. Explications…
Les spectateurs viennent du monde entier pour assister à une représentation dans le superbe et mythique Sferisterio de Macerata. Contrairement à Vérone, cette arène semi-elliptique, unique en son genre, a été construite récemment (en 1823 !) pour accueillir des jeux de « pallone col bracciale », une sorte de pelote basque. Rapidement, grâce à son acoustique parfaite, la salle a été utilisée pour les concerts et surtout les opéras. Depuis 1967, le Sferisterio Opera Festival devenu le Macerata Opera Festival peut recevoir jusqu’à 2 800 spectateurs chaque soir de représentation, quand elles ont lieu... Un théâtre en plein air est à la merci des caprices de la météo. Ce soir du 26 juillet 2025, les trombes d’eau n’ont pas épargné le spectacle. Cependant, le tonnerre est venu du public plutôt que du ciel.
De l’aveu de Macbeth : « Jamais je n’ai vu jour si beau et si funeste »
Comme dans tout festival, le spectacle vivant peut subir des aléas comme des changements de distribution. La reprise du Macbeth par la metteuse en scène Emma Dante de 2019 était particulièrement attendue notamment parce qu’elle a reçu le « Angel Herald Award » au Festival d'Édimbourg en 2017. Même si le remarquable Roman Burdenko qui devait incarner Macbeth a été remplacé par Franco Vassallo (et Marko Mimica par Simón Orfila dans le rôle de Banco), les mélomanes attendaient la prise de rôle de Marta Torbidoni en Lady Macbeth. La jeune soprano commence à se faire un nom. Assister à ses débuts dans un rôle majeur constituait un réel intérêt. La météo a été capricieuse toute la journée mais pouvait laisser présager une soirée moins humide, les passages pluvieux s’étant taris en fin d’après-midi. Et pourtant, quelques minutes avant la représentation, une belle douche écossaise est venue contrarier son début prévu à 21h. L’accalmie revenue, les appariteurs se sont activés à essuyer les 2 800 places revêtant l’espace d’un instant le costume de séchoir-à-sièges. Enfin installés avec une grosse demi-heure de retard, les spectateurs ont eu à peine le temps de se préparer qu’à nouveau, les gouttes sont tombées du ciel évoquant bientôt le déluge de Noé.
La pluie du Dunsinane Hill de Macerata laisse Macbeth en sursis
Réfugiés et au sec dans les espaces de déambulation du Sferisterio, ils se sont crus un instant à bord de l’arche de ce bon Noé alors qu’en réalité, leur Titanic venait juste de quitter le port. Les visages accablés mais résignés des festivaliers bien habillés pour l’occasion rappelaient en effet les acteurs du film de James Cameron. Quelques dames âgées ont trouvé une aide secourable pour leur apporter des chaises pliantes tandis que tous les autres membres de l’assistance sont restés debout avant de perdre peu à peu leur dignité. Après près d’une heure d’attente, n’importe quel bout de marche peut faire office de siège ! Tandis que certains ont pris leur mal en patience au bar, à siroter un ou plusieurs verres de vin blanc de la région, d’autres sont restés près de l’extérieur comme des vigies. De vrais marins ont même bravé l’intempérie dehors abrités sous leur parapluie ou leur poncho, suscitant une certaine admiration. La pluie a enfin cessé pour laisser place encore une fois au ballet des Sisyphe essuyeurs mais un nouveau péril a surgi tel un iceberg pointant son nez : le froid ! L’idée de passer trois heures de spectacle à l’extérieur avec des températures ressenties autour de 14-16° ayant échaudé plus d’un, un tiers de la salle s’est vidé mais le festivalier est un passionné qui trouve une solution à chaque problème. Un stand de la Croix Rouge italienne passé inaperçu jusqu’alors a été pris d’assaut parce qu’il avait le Graal : des plaids en polaire couleur rouge vif. Pour qui a déjà fait la queue en Italie, il sait l’épreuve que cela représente. Alors qu’une bonne cinquantaine de spectateurs patientait dans cette foule désordonnée en râlant comme il se doit, des signes d’impatience commençaient à se faire entendre dans les rangs par des applaudissements scandés.
Les naufragés du Titanic ont eu de la musique à bord mais pas à Macerata
Aucune annonce n’ayant été faite jusqu’alors, c’est avec soulagement que les festivaliers résistants ont tendu l’oreille au premier grésillement du micro pour être vite refroidis par l’annonce : « le spectacle aura lieu mais, à cause d’un problème technique, sans les effets d’éclairages conçus par Christian Zucaro ». La goutte qui a fait déborder le vase ! Furieux, des spectateurs ont commencé à hurler « rimborso » (remboursez !) dans une relative indifférence sur scène car, outre le ballet des balais-sécheurs, personne n’est venu mouiller la chemise. Après encore 10 bonnes minutes d’attente et de bronca, la sovrintendente Lucia Chiatti est enfin montée sur scène pour dire : « vous serez remboursés mais le spectacle est annulé ! ». La volte-face a provoqué le tollé et des huées de toute part. Nul ne saura jamais qui de Lucia Chiatti, de Marco Vinco, le directeur artistique, ou de Federico Gagliardi, dépositaire de la mise en scène d’Emma Dante, a pris cette décision dommageable surtout pour les mélomanes venus de loin. Une version de concert un temps envisagée aurait certainement évité le naufrage. Macbeth se serait sans doute acclimaté à ces conditions météo dignes de l’Écosse. Son fantôme laissera un goût prononcé de frustration aux festivaliers prêts à plonger dans le loch mais repartis désespérément bredouilles.