image menu.png
Encore plus de victimes de Don Giovanni à l'Athénée !

Encore plus de victimes de Don Giovanni à l'Athénée !

A l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet, un Don Giovanni multi-récompensé est à nouveau à l’affiche. Alors que certains pourront succomber aux nombreux charmes de la production, le séducteur doit-il faire d’autres victimes ? Réponse…

Don Giovanni (Margaux Poguet, Marianne Croux, Abel Zamora, Timothée Varon, Adrien Fournaison, Mathieu Gourlet, Michèle Bréant) © Simon Gosselin  Athénée Théâtre Louis-Jouvet

En décernant le Grand Prix 2024 du meilleur spectacle musical de l’année à Don Giovanni de Mozart, produit par l’Arcal (la compagnie nationale de théâtre lyrique et musical), les membres du Syndicat de la Critique ne se sont pas trompés. Créé à l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet, le spectacle a déjà connu un franc succès dans toutes les salles où il a été programmé. Fidèle au grand séducteur, la magnifique salle parisienne, un écrin pour les voix, accueille de nouveau Julien Chauvin, Le Concert de la Loge et la troupe de jeunes chanteurs pour une série de représentations avant d’autres dates à Compiègne, Massy, Tourcoing, Perpignan… Le 15 octobre 2025, à l’occasion de la reprise, le catalogue des mille e tre conquêtes s’est ouvert une nouvelle fois pour y ajouter encore quelques noms !

Julien Chauvin interrompt les conversations en rugissant

Don Giovanni (Timothée Varon) © Simon Gosselin  Athénée Théâtre Louis-Jouvet

Comment ne pas être conquis par un spectacle qui va droit au but ? En s’appuyant sur une distribution de jeunes chanteurs et excellents comédiens, le metteur en scène Jean-Yves Ruf ne cherche pas à déconstruire le mythe mais l’aborde avec franchise sans oublier de jeter un regard contemporain. Le vil séducteur n’est pas un héros mais plutôt un fanfaron, souvent cruel, qui cherche avant tout à se sortir de mauvaises situations. Avec son valet geignard Leporello, ils se faufilent entre les musiciens présents sur le plateau et virevoltent sur la scène, pourchassés par les personnages plus statiques. Le décor, très simple, est un dispositif ingénieux qui permet de réunir tous les membres de l’orchestre et les chanteurs qui évoluent sur deux niveaux reliés par un escalier où se déroulera la scène finale. Les dimensions de la salle permettent de lire les expressions des visages et d’apprécier d’autant plus le travail des comédiens. La détresse de Donna Anna et la rage de Donna Elvira se vivent intensément comme les singeries et les grimaces de Leporello, pendant comique aux drames. Jean-Yves Ruf n’oublie pas les moments de poésie en construisant une belle chorégraphie qui rapproche Masetto de Zerlina ou Don Giovanni du Commandeur. La dimension théâtrale est également apportée par Julien Chauvin qui tient une double casquette de premier violon et de chef du Concert de la Loge, en grande forme. Sa direction mordante est à la fois surprenante et excitante lorsque l’on aime être secoué par les attaques des orchestres baroques. L’ouverture rugissante a mis fin brutalement aux papotages des spectateurs tous surpris avec une urgence qui ne les lâchera plus jusqu’à la fin du spectacle.

Et dans ce bouquet de louanges, l’éclosion de Margaux Poguet

Don Giovanni (Timothée Varon, Margaux Poguet) © Simon Gosselin / Athénée Théâtre Louis-Jouvet

À tout seigneur… Timothée Varon est un Don Giovanni de grande classe et même si ce soir de reprise il s’aventure, non sans péril, dans une sérénade un peu trop allégée, son timbre charmeur et sa technique bien assurée servent la prestation de séducteur inquiet. Sur un rythme soutenu, “Fin ch'han dal vino” est une belle invitation à boire avec le démon ! A ses côtés, Adrien Fournaison est un Leporello baryton truculent qui met à profit sa gestuelle dégingandée. Avec un léger manque d’assise dans le grave, la voix reste homogène mais l’on se demande pourquoi le rôle n’a pas été plutôt confié à Mathieu Gourlet. La basse possède une belle assurance en Masetto qu’il rend gentiment benêt et terriblement attachant face à sa petite chérie. Avec ce timbre gracile, Michèle Bréant que l’on imagine facilement en petit Yniold, apporte une dimension particulière au rôle de Zerlina, moins naïve et « tentée par le diable » qu’à l’accoutumée. Inquiets pour elle, les spectateurs n’en tombent pas moins sous le charme dans ses airs qu’elle défend avec conviction.  Sans oublier Nathanaël Tavernier, solide Commandeur, le trio des empêcheurs de tourner en rond assurent leurs parties solistes avec brio. Pour avoir déjà entendu et apprécié Abel Zamora dans les arias de Don Ottavio avec un accompagnement au piano, sa technique semble perfectible dès lors qu’il est obligé de pousser la voix au-dessus de l’orchestre. Néanmoins, même avec moins d’impact, les pianissimos du ténor sont toujours aussi séduisants. Dans le rôle de Donna Anna, Marianne Croux traduit avec justesse les tourments de la compagne abusée notamment dans les airs véhéments avec des aigus dardés puissants et quelques jolies ornementations. Il n’est pas rare de distribuer le rôle à des sopranos au timbre plus pulpeux. Il n’empêche que dans l’iconique aria « Non mi dir », rarement on aura entendu la phrase « Abbastanza per te mi parla amore » déclamée avec une telle maîtrise. Grâce à la mise en scène de Jean-Yves Ruf, Donna Elvira n’est plus une harpie mais bien une femme blessée et toujours amoureuse de son bourreau. La grande révélation du spectacle, Margaux Poguet irradie dans le rôle avec un style mozartien des plus accomplis et une palette de couleurs idéale. Admirablement mené, incarné et divinement chanté l’air « Mi tradì quell'alma ingrata » est le plus beau moment d’une soirée pourtant riche en belles interprétations. Avec cette reprise d’un spectacle marquant, l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet offre une belle opportunité de célébrer à nouveau la belle jeunesse. Il serait dommage de ne pas la saisir !

Don Giovanni (Marianne Croux, Abel Zamora, Timothée Varon, Margaux Poguet, Michèle Bréant, Adrien Fournaison, Mathieu Gourlet,) © Simon Gosselin / Athénée Théâtre Louis-Jouvet
Prochainement à l'Athénée
Glass, neige et feu à l’Opéra de Nice illuminé comme jamais

Glass, neige et feu à l’Opéra de Nice illuminé comme jamais