Glass, neige et feu à l’Opéra de Nice illuminé comme jamais
Le feu a gagné l’opéra de Nice Côte d’azur avec une nouvelle production d’un opéra de Philip Glass. Après Akhnaten, l’hypnotisant Satyagraha a illuminé toute la salle enflammant tout sur son passage. Explications…
« I Did It Again… », le petit air de Britney Spears trottait dans la tête, ce vendredi 3 octobre 2025, avant de franchir les portes de l’Opéra de Nice Côte d'Azur. En effet, en ouvrant sa saison avec Satyagraha de Philip Glass, Bertrand Rossi, énergique et brillant directeur de la belle maison de la promenade des Anglais, l’a encore fait ! Après Akhnaten en 2021, de nouveau, il a osé mettre en lumière la musique répétitive et hypnotique du compositeur contemporain, poussant encore un peu plus loin l’audace. Le public niçois et les nombreux amateurs venus d’ailleurs ont eu la primeur de la création française de l’œuvre de Glass avant l’Opéra national de Paris (qui propose une nouvelle production signée Bobbi Jene Smith, en avril 2026). Pour réussir cette entrée, tous les moyens ont été réunis.
Et la lumière fut à l’Opéra de Nice, partout, partout, partout !
Lorsqu’en 2021, le succès public et critique est venu couronner le travail et les efforts de toutes les équipes de l’Opéra de Nice Côte d’Azur, Bertrand Rossi a fait figure de précurseur courageux. Malgré l’engouement certain pour cette musique dite « minimaliste », très peu de maisons d’opéra n’avaient osé mettre en scène les ouvrages de Philip Glass. Proposer Akhnaten à ce public niçois réputé, à tort, conservateur était une véritable gageure. La nouvelle production de Satyagraha, épisode deux de la trilogie des hommes visionnaires, inspirée par ceux « qui ont changé le monde dans lequel ils vivent par le pouvoir de leurs idées » était particulièrement attendue mais risquée. En choisissant de reformer la même équipe, Rossi s’exposait à une routine qui aurait pu affadir le souvenir. Et c’est tout l’inverse qui s’est produit ! Entretenant la légende, Lucinda Childs, la compagne des premiers succès de Philip Glass mais aussi de Bob Wilson (créateurs d’Einstein on the Beach), est l’évidence même à la mise en scène et à la chorégraphie. Comme dans Akhnaten, il est heureux de retrouver la fluidité des corps dans les mouvements simples et envoûtants, interprétés avec grâce par le Ballet de l’Opéra Nice Côte d’Azur. De même, les images qui changent l’échelle des danseurs devenus géants démultipliés sont un ravissement qui vont bientôt envahir tout l’espace de la salle. Les « expériences immersives » ou en « réalité augmentée » souvent vendues à peu de frais pour épater la galerie prennent ici un sens. Sublimée par la musique, la beauté des vidéos d’Etienne Guiol projetées sur tous les murs de l’Opéra de Nice sert le propos en l’illustrant.
Admirable, Sahy Ratia est Satyagraha, sans jeu de mot !
Chanté en sanscrit, Satyagraha ne propose pas vraiment d’histoire mais plutôt des épisodes de la vie du Mahatma Gandhi avec des évocations de sa philosophie. Trois personnages historiques sont également sur scène au cours des trois actes : Leon Tolstoï pour représenter son passé, Rabindranath Tagore, son présent et Martin Luther King, Jr., le futur. Dans cette dernière partie, lorsque les barreaux de prison se dessinent sur tous les murs de la salle, la sensation d’enfermement devient physique. Le spectacle va crescendo avec tout d’abord des images d’écriture sanscrit comme des mantras de sable magnifiés par la musique. Le deuxième acte est encore plus spectaculaire avec un orage et un incendie qui se propage sur les murs de la vénérable maison. La lumière d’hiver (rendue avec talent par David Debrinay) accompagne la toute fin où il neige. L’effet visuel est tel qu’il laisse bouche bée, stupéfait par tant de beauté. Il faut dire que la voix de Sahy Ratia, idéale pour le rôle de Gandhi, subjugue. Le ténor qui se montre toujours maître de son souffle, impressionnant, semble flotter au-dessus d’un orchestre réglé au cordeau par Léo Warynski. Le chef domine lui aussi la partition comme les chœurs dont la prestation est à saluer avec tous les éloges. Même si elle apparaît simple, la partie composée par Philip Glass présente un défi technique relevé haut la main. Déjà présente dans Akhnaten en 2021, Julie Robard-Gendre resplendit à nouveau grâce à ce timbre profond dans sa partie soliste. Les chanteurs sont le plus souvent entendus dans des ensembles et même si l’aigu sursollicité de Melody Louledjan est parfois tendu, Karen Vourc’h, Frédéric Diquero, Jean-Luc Ballestra et Angel Odena répondent eux aussi aux exigences. Servant un spectacle féérique, ils entreront sans doute dans la légende. Après Akhnaten, en apportant cette lumière magique sur Satyagraha, l’Opéra de Nice Côte d’Azur a frappé un deuxième grand coup. Einstein on the Beach est non seulement un titre tout trouvé pour Nice et ses galets mais désormais une production attendue avec impatience…


