Les saisons musicales aux Invalides à Paris se suivent mais ne se ressemblent pas. Construits autour de thèmes, les concerts sont aussi variés que les répertoires abordés et même lorsque l’on évoque la guerre, les mots et les sons sont beaux. Explication…

Pierre-Eric Nimylowycz, Olivier Baumont, Tami Tromann, Louise Pierrard et Marcel Bozonnet (c) DR

L’actualité dramatique aurait pu s’inviter à Paris dans la salle Turenne des Invalides ce 7 mars 2022 alors que les bruits d’un conflit en Europe se font de plus en plus forts. Le concert donné dans le cadre du cycle “350ème anniversaire de la guerre de Hollande de Louis XIV" rappelant un thème très brûlant n’a pourtant pas été assombri par la fumée des feux injustement allumés en Ukraine. Réunis autour du clavecin d’Olivier Baumont, habile concepteur du projet, les solistes du Concert de la Loge accompagnés par Marcel Bozonnet, un récitant de luxe, ont réussi l’espace d’une soirée à nous faire voyager dans l’histoire et le temps, bien loin de la trivialité d’un quotidien douloureux. La musique et les mots ont évoqué deux illustres militaires, D’Artagnan, légendaire capitaine-lieutenant des Mousquetaires du Roi et le vicomte de Turenne, blessé mortellement lors que la bataille de Salzbach en juillet 1675. Les héros racontés par Saint-Simon, Courtilz de Sandras, Charles Samaran et Just-Jean Etienne Roy sont les satellites de la figure astrale de Louis XIV dont les paroles ont conclu le concert. Passant allégrement d’un français du XVIIe siècle au contemporain, Marcel Bozonnet de la Comédie-Française a donné vie aux anecdotes narrées avec grand talent.

Un pour tous, tous pour un concert

Avec une ingéniosité remarquable, Olivier Baumont a choisi des pièces variées signées Lully, Sweelinck, Corrette, Bruna, Sainte-Colombe, Schmelzer, Dandrieu et Marais pour servir de sous-texte musical, illustration parfaite d’un album sonore. Les conquêtes de la Hollande sont ainsi commentées par une triste Pavane Lachrimae de Sweelinck enchaînée avec la Marche des Mousquetaires dans un ton triomphal et beaucoup plus joyeux. Le récit de la mort de D’Artagnan laisse place aux Pleurs de Sainte-Colombe interprétés avec sensibilité et profondeur par la gambiste Louise Pierrard, très inspirée. Tami Tromann et Pierre-Eric Nimylowycz au violon, comparses tout aussi talentueux du Concert de la Loge se sont fait remarquer notamment dans les pièces plus vivantes comme la glorieuse Chaconne de Marin Marais. Le programme de salle fort complet ne mentionne toutefois pas la facture du clavecin. L’instrument brillant a servi de fil rouge en permettant à Olivier Baumont d’exploiter ses nombreuses facettes avec brio. La saison musicale des Invalides construite autour de thèmes pertinents offre des concerts de très grande qualité, comme celui-ci, où les découvertes musicales côtoient l’Histoire, la culture et le patrimoine. Pour les nombreux spectateurs présents dans la salle Turenne, c’est une évidence. Pour les autres qui ne sont toujours pas venus, une promesse car ils seront enthousiasmés quand ils découvriront les lieux et les futurs concerts.