image menu.png
Bucarest se met à l’Heure espagnole sans décalage

Bucarest se met à l’Heure espagnole sans décalage

Le Festival Enescu à Bucarest est une fenêtre ouverte sur le monde avec de grands événements de musique classique. Puisque 2025 est une année Ravel, il ne pouvait faire l’impasse sur ce compositeur numéro un. Les artistes étaient-ils à L’heure espagnole ? Réponse…

L’Heure espagnole (Gaëlle Arquez, Armando Noguera) © Cristina Tanase / Festival George Enescu

En musique classique, un événement de l’importance du Festival George Enescu en Roumanie ne peut faire l’impasse sur les célébrations et les anniversaires des compositeurs. Avec un bon nombre de ses œuvres proposées à chaque édition, Enescu, mort il y a 70 ans en 1955, est toujours à l’honneur, naturellement. Lorsqu’ils programment leur saison, les directeurs artistiques comme le maestro Cristian Măcelaru (en poste à Bucarest depuis 2022) ont plusieurs options : Ne rien faire de particulier, proposer a minima quelques concerts ou bien miser sur l’excellence. C’est le choix que semble avoir fait le Festival Enescu avec une représentation de L’Heure espagnole de Maurice Ravel (le 29 août 2025, à l’Opéra National Roumain à Bucarest), proche de l’idéal.

La tendance mode de 2025, le Boléro mais à l’Heure espagnole !

L’Heure espagnole © Cristina Tanase / Festival George Enescu

2025 est une année très chargée en célébration avec Bizet, Johann Strauss, Satie ou encore Chostakovitch en tête de gondole des compositeurs les plus vendeurs. Ravel et son Boléro est la locomotive attendue même si, à force de ne miser que sur une poignée d’œuvres les plus populaires, les festivités risquent de tourner court. Au programme du Festival George Enescu 2025, le nom du compositeur français apparait 17 fois mais aucun Boléro ne se porte à l’horizon, Cristian Măcelaru ayant eu l’intelligence de proposer d’autres grands chefs-d’œuvre comme L’heure espagnole. Malgré la popularité de Ravel, ses deux opéras, avec l’adorable et novateur L'Enfant et les sortilèges, n’envahissent pas les scènes sans pour autant être totalement absents. Pour une seule et unique représentation, les décors pratiques de Carmencita Brojboiu ont traversé la Roumanie, la production de Gábor Tompa provenant de l’Opéra hongrois de Cluj. Le metteur en scène a compris que pour réussir son spectacle, il était important de mettre l’accent sur la fluidité des mouvements car les portes claquent dans L’heure espagnole. Dans la boutique de l’horloger Torquemada, sa jolie épouse Concepción a visiblement un problème de « timing » avec ses prétendants. Les messieurs se croisent comme chez Feydeau en se cachant dans de belles comtoises que le muletier Ramiro va déménager de la boutique à la chambre et de la chambre à la boutique ! Avec un accent mis sur la comédie, Tompa situe l’action dans un décor gentiment foutraque et délabré où trônent les fameuses horloges magiques car les remue-ménage des meubles lestées d’amants restent toujours crédibles.

La Concepción féline de Gaëlle Arquez en panthère

L’Heure espagnole (Iván Ayón Rivas, Gaëlle Arquez) © Cristina Tanase / Festival George Enescu

Dans le rôle de Ramiro, Armando Noguera joue avec le quatrième mur prenant à témoin les spectateurs qui rient de bon cœur. Le bariton argentin, ancien membre du Centre de Formation Lyrique de l’Opéra national de Paris, possède une diction française remarquable et un sens du texte qui fait mouche. Avec son timbre marqué et séducteur, il trouve la bonne distance entre le benêt et le charmeur, son personnage évoluant avec naturel vers la roublardise. Même s’il possède les atours du mari trompé, Mikeldi Atxalandabaso  convainc moins en Torquemada, le ténor n’ayant pas la même maîtrise de la langue. Autre ténor de la distribution,  Iván Ayón Rivas, au jeu appuyé, campe un Gonzalve bien exotique au style de Ravel. Le  chanteur qui est un habitué des grands rôles lyriques italiens trouve néanmoins ses marques. Son personnage qui répond par la poésie aux avances de Concepción semble venir d’un autre univers, ce qui fonctionne dans ce second degré bien vu. Manuel Fuentes (Don Íñigo Gómez) est malheureusement desservi par sa diction incompréhensible. Avec l’assise d’une bonne technique vocale et un instrument sonore, le deuxième prétendant est incarné avec beaucoup de truculence malgré des décalages entre le sens du mot et l’action sur scène. Dommage, car les chanteurs-acteurs sont soutenus par l’enthousiasme de James Gaffigan à la tête de l'Orquestra de la Comunitat Valenciana. Dans la fosse, le chef et son ensemble font sonner l’Espagne fantasmée de Ravel avec le détachement nécessaire et une grande classe. Reste le joyau de la soirée, Gaëlle Arquez est une Concepción de rêve. À son propos, on pourrait citer Amin Maalouf car elle est en effet « belle sans l'arrogance de la beauté, noble sans l'arrogance de la noblesse ». Avec son costume léopard et un décolleté provocant la mezzo joue la bonne distance entre l’attitude sexy et aguicheuse et une pointe de canaillerie jamais outrancière. Même si l’on perd parfois un mot ou deux, elle est vocalement souveraine notamment dans son air « Oh ! la pitoyable aventure !» tout simplement exemplaire. En programmant l’évidence, le Festival George Enescu qui rendait un hommage à la musique du monde francophone cette saison a non seulement ravi les spectateurs parisiens mais mis toutes les pendules à l’heure de l’excellence européenne.

L’Heure espagnole (Manuel Fuentes, Iván Ayón Rivas, Gaëlle Arquez, Armando Noguera, Mikeldi Atxalandabaso ) © Cristina Tanase / Festival George Enescu

L’entente franco-suisse de Gstaad se fait avec plein de Bizet

L’entente franco-suisse de Gstaad se fait avec plein de Bizet