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La famille royale s’invite sur la scène du Palais Garnier dans Ariodante

La famille royale s’invite sur la scène du Palais Garnier dans Ariodante

Une ouverture de saison peut être un bon indicateur pour l’ensemble des événements à venir. Avec la reprise d’Ariodante, l’Opéra national de Paris frappe fort en réunissant une distribution royale. Mais qui porte la couronne ? Réponse…

Cecilia Molinari, Jacquelyn Stucker - ARIODANTE 2025/2026 © Guergana Damianova / OnP

Les mouvements de grève à l’Opéra national de Paris n’auront pas empêché une rentrée royale au Palais Garnier. Malgré l’annulation des deux premières représentations, Ariodante de Haendel a retrouvé son trône et les fastes de la cour d’Ecosse dans la reprise de la géniale production de Robert Carsen, période verte. Le mercredi 24 septembre 2025, les projecteurs étaient également braqués sur un couple royal. Époux à la ville, les très talentueux Sabine Devieilhe et Raphaël Pichon mènent des carrières exemplaires qui ne leur permettent pas souvent de se retrouver sur le même plateau. Alors que la technique belcantiste de l’une a fait merveille, le premier Haendel du chef n’a que partiellement convaincu. 

Et si la musique de Haendel gagnait à être moins belle ?

ARIODANTE 2025/2026 © Guergana Damianova / OnP

Incontestablement, Raphaël Pichon est aujourd’hui l’un des chefs les plus passionnants et sans doute le meilleur dans de nombreuses œuvres. Alors qu’il excelle dans le répertoire baroque (et pas seulement), il n’avait jamais dirigé d’opéra de Haendel. C’est dire si cette première était attendue, d’autant plus qu’elle se déroulait dans les ors et les velours du Palais Garnier où, chose incroyable, il dirige pour la première fois ! Sans surprise, Pichon est remarquable de finesse et d’attention pour ses chanteurs. Sa direction ciselée apporte plus d’une fois l’émotion dans les parties dramatiques (sublimes "Scherza infida" et "Il mio crudel martoro") mais peine à trouver le théâtre par manque de contraste et d’atmosphères plus appuyées. Comme si le raffinement et la grande sensibilité de l’artiste l’empêchait de « salir » la musique avec des attaques marquées. Même sujette à ces quelques réserves, la présence de Raphaël Pichon dans la fosse de Garnier est un événement et constitue une raison supplémentaire de voir la production. Comme toujours, le travail de l’ensemble Pygmalion est remarquable avec les chœurs de l’Opéra national de Paris qui se fondent facilement dans l’ambiance de la mise en scène. La chorégraphie de Nicolas Paul est particulièrement réussie avec des numéros de danse, trop souvent négligés dans les productions baroques, qui allient intelligence et beauté visuelle. Déjà critiquée et appréciée dans ces colonnes, la production de Robert Carsen s’admire encore plus la deuxième fois grâce à la direction d’acteur et aux nombreux clins d’œil savoureux.

Sacré Roi d’Ecosse à 54 ans sur la scène de Garnier !

Cecilia Molinari - ARIODANTE 2025/2026 © Guergana Damianova / OnP

Les paparazzi qui épient les « Royals » de la cour d’Ecosse étaleront bientôt l’infidélité supposée de la princesse Ginevra en une de journal à scandale. Dans des décors très verts pourtant simples, Carsen n’oublie jamais le spectaculaire avec quelques touches de clinquant comme celui des armures qui habillent la salle des cérémonies ou avec les tartans des costumes impeccables de Luis F. Carvalho. La grande scène d’Ariodante dévasté après la trahison de sa promise se déroule dans la pénombre et permet à Cecilia Molinari d’exprimer son talent tant scénique que vocal. La grande révélation du spectacle habite cette scène avec intensité pour se jouer ensuite des vocalises avec un plaisir communicatif. La belle Ginevra, victime de la machination de l’affreux Polinesso, est incarnée par Jacquelyn Stucker. La soprano possède une belle rondeur avec un timbre sombre et des aigus cristallins qui jaillissent pour mieux émouvoir lorsque, complètement abandonnée, elle délaisse sa robe de fiançailles. Déjà présent à la création du spectacle en 2023 et toujours électrisant, Christophe Dumaux retrouve le kilt du vil Polinesso qu’il rend absolument et délicieusement détestable (à tel point qu’il a été hué par des spectateurs sans doute pas remis de sa prestation !). Même s’il ne se risque pas dans les graves abyssaux, il est vocalement souverain et se délecte d’une vocalise virtuose qui enchante. Le personnage de Dalinda, amoureuse tombée dans les filets du méchant, est délicatement incarnée par une Sabine Devieilhe de luxe. On ne sait que vanter tant la prestation est, une fois de plus, remarquable. Pour les spectateurs qui n’ont pas la chance de se trouver dans les premiers rangs, il faut impérativement se munir de jumelles pour apprécier le jeu d’actrice d’une finesse et d’une complexité rares. La soprano nous offre des aigus pianissimos et une vocalise parfaite dans Haendel dans le plus pur style bel canto. Sans démériter, l’amoureux éconduit Lurcanio chanté par Ru Charlesworth ne se hisse pas toujours au même niveau de perfection vocale aux côtés de Luca Tittoto. A 54 ans, la basse fait ses débuts à l’Opéra national de Paris dans le rôle du Re di Scozia (le Roi d’Ecosse) dont il possède l’autorité. La réussite de cette reprise de rêve tient à la fois par la magie du spectacle et par la belle homogénéité des artistes qui ont offert aux oreilles baroques expertes des ornementations absolument jubilatoires.

Sabine Devieilhe, Christophe Dumaux - ARIODANTE 2025/2026 © Guergana Damianova / OnP

Faust en tenue d’Adam à l’Opéra de Liège

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