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Une plongée dans l’obscur pour les Ballets de Monte-Carlo

Une plongée dans l’obscur pour les Ballets de Monte-Carlo

Une fois encore, les Ballets de Monte-Carlo présentent un programme alléchant qui mêle les musiques marquées d’Hindemith, Silvestrov et Schoenberg à trois chorégraphes Balanchine, Ratmansky et Goecke. Pari gagné ? Réponse...

Les 4 tempéraments de George Balanchine © Alice Blangero

Le 23 avril 2025, soir de première sur la scène du Grimaldi Forum de Monaco, les Ballets de Monte-Carlo proposent un programme audacieux réunissant trois œuvres : Les 4 tempéraments de George BalanchineWartime Elegy d’Alexeï Ratmansky et La nuit transfigurée, création de Marco Goecke. L’émotion est d’autant plus vive qu’un hommage est rendu à Patricia Neary, gardienne du répertoire de Monsieur Balanchine qui remonte un ballet du grand chorégraphe pour la dernière fois de sa carrière. Accompagné des musiques de Hindemith, Silvestrov et Schoenberg, le thème de cette soirée se devine dans une ambiance de plus en plus inquiétante et sombre.

Balanchine ou la mécanique du beau et l’Ukraine par Ratmanski

Wartime Elegy d’Alexei Ratmansky © Alice Blangero

Les Ballets de Monte-Carlo sont de grands habitués du répertoire de Balanchine. En ouverture de programme, Les 4 tempéraments introduisent une sensation de tourment qui deviendra de plus en plus intense au fil de la soirée. Pour illustrer les tempéraments mélancolique, sanguin, flegmatique et colérique, la musique d’Hindemith fait jeu égal avec la danse. Magnifiquement interprétée par le pianiste David Bismuth et l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo sous la direction de Jesko Sirvend, elle fait vivre l’impeccable musicalité des danseurs. Les corps dessinent des lignes pures, tendues, aux angles précis. Les artistes maîtrisent la balance du poids dans un jeu subtil entre enracinement et suspension. La technique sans faille n’est pas sans être accompagnée d’une certaine froideur. Même si l’on admire les prouesses, ces différents tempéraments très maîtrisés sont peu émouvants. L’on remarque cependant la colérique Juliette Klein et le tempérament flegmatique, interprété par Jaeyong An, Isabelle Maia, Candela Ebbesen, Portia Adams et Katrin Schrader, qui ravivent intérêt et plaisir. Il n’empêche qu’indéniablement et comme le rappelle le directeur, Jean-Christophe Maillot, le répertoire de Balanchine est « chevillé au corps et aux pointes de la Compagnie ».
Changement de décor avec Wartime Elegy d’Alexeï Ratmansky, grande figure chorégraphique d’Ukraine qui annonce déjà dans son titre, les inquiétudes de son thème avec un côté obscur qui s’installe de plus en plus. Œuvre engagée et narrative, Wartime Elegy dépeint la résistance dans des tableaux opposés. Dans le premier, le chorégraphe évoque la joie dans le folklore et dans l’autre, la terreur et un certain lyrisme. Les prouesses techniques et acrobatiques des danseurs (notamment Kozam Radouant très expressif) subliment le folklore. Dans une très riche composition chorégraphique des tableaux se figent, magnifiques. Le choix du compositeur ukrainien Silvestrov est un soutien du chorégraphe engagé. La guerre, bien que présente, n’éteint pas la joie. Ratmanski démontre une fois de plus son don pour l’architecture chorégraphique. Il montre clairement son attachement pour l’Ukraine, son pays affreusement meurtri.

Goecke en apothéose

La nuit transfigurée de Marco Goecke © Alice Blangero

La nuit transfigurée sur la partition envoûtante de Schoenberg, la création de Marco Goecke, clôt le programme dans une atmosphère des plus sombres. Des ombres mouvantes apparaissent faiblement éclairées par une lune suspendue. On reconnait bien le vocabulaire de Goecke, fidèle à lui-même lorsqu’il convoque sa gestuelle nerveuse, fulgurante, souvent viscérale. Les bras tremblent, les torses se contractent avec le souffle des danseurs qui devient de plus en plus audible. Répandant une certaine folie, les artistes semblent extirper leurs mouvements du plus profond d’eux-mêmes, dans une langue et une expérience qui leur est propre. Les créatures s’agitent parfois seules ou en groupe. La direction musicale de Jesko Sirvend intensifie le sentiment d’inconfort déclenché par la chorégraphie. Après quelques longueurs, le danseur qui s’avance, regarde le public et déclare : « Je te quitte maintenant » avant que le silence se fasse, trahit le propos du chef-d’œuvre de Schoenberg. La nuit transfigurée de Goecke fait parler les corps plus que les mots dans un ressenti plutôt qu’une illustration.
Avec ce triptyque, les Ballets de Monte-Carlo présentent la face sombre et trouble de trois grands chorégraphes. De la rigueur narrative de Balanchine à l’introspection déchirante de Goecke, en passant par la riche composition scénique de Ratmansky, c’est le spectateur qui est transfiguré. Si le choc des styles pourrait désarçonner, il se révèle au contraire d’une cohérence saisissante car ici l’humain, dans sa complexité, ses contradictions et ses élans, est invité à la danse.

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