image menu.png
A Radio France, un Liszt mis en pièce par Jonathan Fournel

A Radio France, un Liszt mis en pièce par Jonathan Fournel

Lauréat du Concours Reine Élisabeth 2021, Jonathan Fournel est l’un des pianistes les plus en vue aujourd’hui. Particulièrement admirable dans Brahms, il s’attaque à la redoutable Sonate de Liszt pour Radio France qu’il met en pièces ! Explications…

Jonathan Fournel © HRC

Les mélomanes parisiens mesurent-ils leur chance ? Dans une abondance de concerts et d’opéras ce mardi 29 avril 2025, ils ont eu le choix entre plusieurs affiches prestigieuses. Les plus avisés avaient réservé leur place depuis bien longtemps à Radio France. Dans le bel auditorium, l’excellent pianiste Jonathan Fournel promettait d’y faire des étincelles dans un récital Bach, Brahms et Szymanowski, avec surtout comme pièce principale la fameuse Sonate en si mineur de Franz Liszt. Véritable monument de la littérature pianistique, le chef-d’œuvre est un incontournable dans la carrière d’un pianiste. À juste 31 ans, le jeune talent a confirmé tous les espoirs placés en lui en livrant un récital exemplaire à la rare intensité. Salué par une ovation debout, Jonathan Fournel a largement conquis les mélomanes, heureux de ne pas avoir manqué l’événement !

L’improbable mariage de Bach et Brahms avec Szymanowski

Jonathan Fournel © Alexei Kostomin

Sur le papier, marier Bach à Szymanowski ou même à Brahms ou Liszt a de quoi surprendre, les univers et la technique exigée étant assez différente. L’implacable machine à doigts du compositeur de Leipzig est, a priori, assez éloignée des fougueux arpèges et des emportements romantiques. La rigueur du célèbre Concerto italien en fa majeur BWV 971 permet à Jonathan Fournel de faire la démonstration d’un toucher précis et diablement maîtrisé. L’ensemble est parfaitement balancé et agréablement chaloupé mais, outre la précision, ce que l’on remarque le plus est l’usage subtil de la pédale. D’infinies nuances s’invitent dans le jeu du pianiste et tout particulièrement dans un mouvement lent délicat qui ne tombe jamais dans la mièvrerie. Jonathan Fournel qui s’est construit une solide réputation de brahmsien propose ensuite les Trois Intermezzi opus 117 où il excelle. L’andante moderato de la première pièce, prise plutôt adagio, a de quoi surprendre. Cette lenteur captivante évoque des pas sur la neige, la berceuse se teintant d’une mélancolie d’un soir d’hiver. Ici encore, les nombreuses nuances installent des atmosphères où l’alanguissement des tempi saisit l’auditeur dans une sorte de torpeur. Le deuxième Intermezzo imagé et délicat (et également mélancolique) amène au moment de bascule lors du troisième. Happé par l’apparente indolence du pianiste, l’auditeur se retrouve bientôt suspendu dans l’un de ces rares moments où la musique le transporte dans un autre espace.

Jonathan Fournel, la bête fauve qui éclate Liszt façon puzzle

Jonathan Fournel © Alexei Kostomin

Le programme intelligemment construit a permis de découvrir ensuite une pièce passionnante de Karol Szymanowski (enregistrée par Fournel en 2024 pour Alpha Classics). Les Variations sur un thème populaire polonais composées par un jeune homme d’une vingtaine d’années rappellent par certains aspects Bach mais également la Sonate en si mineur de Liszt. La marche funèbre, du pianissimo au forte à couper le souffle, aurait pu être signée de la main du compositeur Hongrois. L’on comprend alors que dans cette première partie de concert, Jonathan Fournel déconstruit l’œuvre principale au programme en plusieurs morceaux, proposant autant de clés d’écoute. La flamboyance et la virtuosité de Szymanowski, la noirceur de Brahms et la rigueur et la précision de Bach sont des éléments présents dans le chef-d’œuvre que le pianiste aborde après l’entracte. Comme une montée à l’Everest du piano, la Sonate en si mineur de Liszt suscite toujours énormément d’attente surtout dans la carrière d’un jeune artiste. La virtuosité monstrueuse réclame une technique sans faille mais pas que ! L’on a bien souvent vu des pianistes prometteurs, grisés par leur dextérité, taper les touches pour émettre un déferlement de décibels. Il y a de la folie dans Liszt qui n’empêche pas l’élégance. Dès les premières notes, l’on devine que Fournel, très concentré, livrera une prestation inspirée. La fureur contenue éclatera parfois dans une gestuelle spectaculaire. Le pianiste, plutôt sobre dans ses mouvements, se déchaîne spontanément tel un fauve sur son instrument tout en gardant un parfait contrôle des nuances et de son son. Dans ce tourbillon infernal (la Sonate s’inspire du Faust de Goethe), le raffinement s’invite plus d’une fois, le pianiste se payant même le luxe de notes suspendues et de silences jusqu’à l’extase de la note bleue. Les difficultés sont balayées au profit d’une interprétation profonde, délicate et racée. Elle installe avec évidence Jonathan Fournel parmi les très grands pianistes d’aujourd’hui.

Le concert étant diffusé en direct sur France musique, il est disponible en réécoute sur le site de Radio France.

Jonathan Fournel © HRC

Magistrale Asmik Grigorian à l’Opéra de Paris, enfin !

Magistrale Asmik Grigorian à l’Opéra de Paris, enfin !

Une plongée dans l’obscur pour les Ballets de Monte-Carlo

Une plongée dans l’obscur pour les Ballets de Monte-Carlo