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Desmarest… l’année 2024 en beauté au Théâtre des Champs-Elysées !

Desmarest… l’année 2024 en beauté au Théâtre des Champs-Elysées !

Le mélomane doit beaucoup au Centre de musique baroque de Versailles. Aussi, lorsqu’on lui donne rendez-vous au Théâtre des Champs-Elysées pour redécouvrir Iphigénie en Tauride, il pense plus à Gluck qu’à Desmarest et Campra. Explications…

Hervé Niquet et Véronique Gens © Cyprien Tollet / Théâtre des Champs-Elysées

On ne présente plus Hervé Niquet, chef curieux et touche-à-tout à qui l’on doit un paquet de redécouvertes. Au sortir des fêtes de fin d’année, le Centre de musique baroque de Versailles ne pouvait imaginer lui faire plus beau cadeau en déballant avec lui le troisième opus d’une tétralogie baroque. Après Ariane et Bacchus de Marin Marais (en 2022) et Médée de Marc-Antoine Charpentier (en 2023), dans le cadre d’une résidence croisée avec le Théâtre des Champs-Elysées, la salle de l’avenue Montaigne a offert une Iphigénie en Tauride inattendue. Ce 9 janvier 2024, ce n’est pas l’opéra bien connu de Gluck qui a ravi les mélomanes mais un des grands succès du XVIIIe siècle signé Henry Desmarest et André Campra.

La tragique histoire d’une héroïne laissée à l’abandon

Hervé Niquet et Thomas Dolié  © Cyprien Tollet / Théâtre des Champs-Elysées

L’histoire de l’œuvre est assez singulière car commencée par Henry Desmarest vers 1695, elle a failli ne jamais voir le jour avant d’être finalement achevée par un autre. C’est que le compositeur et son librettiste Joseph-François Duché de Vancy prennent du temps. En 1699, une drôle de mésaventure écarte Desmarest de la scène française bien malgré lui. Après avoir épousé une jeune fille sans le consentement de son père, il est banni par Louis XIV et contraint de s’exiler. Impossible dès lors de poursuivre son travail, Iphigénie inachevée est laissée comme morte sur les rives d’Aulis. Avant de partir, Desmarest a eu la bonne idée de confier sa partition à un proche d’André Campra, l’un des compositeurs les plus en vue de l’époque. Après une série d’échec, la toute puissante Académie royale de musique cherche à renouveler son répertoire et, nécessité faisant loi, demande à Campra de bien vouloir combler les trous. Avec son librettiste Antoine Danchet, ils remanient et complètent le livret pour qu’enfin soit créée Iphigénie en Tauride, le 6 mai 1704. Le succès sera définitivement au rendez-vous lors de la reprise de 1711 avant qu’un voile de poussière ne recouvre la partition qui tombe dans l’oubli comme bon nombre d’œuvres du Grand Siècle. Géniaux explorateurs, les scientifiques du Centre de musique baroque de Versailles sollicités par le chercheur de trésors lyriques Hervé Niquet ont exhumé l’opéra que les mélomanes modernes découvrent même s’ils en connaissent déjà l’intrigue.

Desmarest, Campra, Niquet… bien du monde mais des Gens, une seule !

Véronique Gens © Cyprien Tollet / Théâtre des Champs-Elysées

Difficile pour eux, en effet, de ne pas jouer au jeu des différences avec une autre Iphigénie en Tauride bien plus connue, celle que Gluck a présentée à la même Académie royale de musique en 1779 et qui n’a jamais quitté l’affiche depuis. Le théâtre n’est pas le même mais la puissance de la tragédie de Duché de Vancy et Danchet gagne amplement les cœurs, surtout défendue par une distribution de haut rang. Comme très souvent avec le CMBV, un soin a été apporté au choix des artistes qui caractérisent leur partie vocale avec évidence. Même les seconds rôles existent et l’on remarque tout particulièrement le joli timbre de la soprano Jehanne Amzal et surtout l’aisance d’Antonin Rondepierre dans un style admirable. Ancien élève de Fabien Armengaud à Versailles, le jeune ténor (ou plutôt « taille » pour reprendre la terminologie adéquate), à suivre de près, a été à bonne école. Cette nouvelle recréation reprend scrupuleusement les effectifs, dispositions et ornementations réglés à la lettre par Hervé Niquet à la tête de son Concert Spirituel. Même si l’on aurait aimé entendre un son plus transparent, il défend l’oeuvre avec quelques scènes marquantes. Fait plutôt rare, les musicologues savent déterminer la paternité des morceaux qui se fondent dans un ensemble cohérent, Campra s’étant habilement glissé dans le style de Desmarest. Souveraine, la grande tragédienne Véronique Gens est une Iphigénie racée qui partage la scène avec Électre, personnage d’importance ici chanté avec équilibre par Olivia Doray. Floriane Hasler, la déesse Diane qui ouvre et conclut l’opéra, gagnerait à ajouter un sourire à son chant parfois trop autoritaire. Côté masculin, David Witczak trouve le ton juste dans les tourments amoureux de Thoas. La partition est dramatiquement plus généreuse avec le personnage central d’Oreste. Thomas Dolié trouve ici le rôle parfait pour faire la juste démonstration de son talent d’acteur et de chanteur aux côtés du toujours idéal Reinoud Van Mechelen, Pylade de grand luxe. Avec cette noble et belle découverte d’Iphigénie en Tauride, la hotte du père Noël a délivré le dernier cadeau de sa saison en attendant de se remplir à nouveau. Autre bonne nouvelle, l’opéra fait l’objet d’un enregistrement pour le label Alpha Classics qui sera sans doute disponible l’année prochaine.

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