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Malédiction aux Chorégies d’Orange, c’est la Force du Destin !

Malédiction aux Chorégies d’Orange, c’est la Force du Destin !

Face aux difficultés financières et aux coupes redoutables, le Festival des Chorégies d’Orange aurait-il trouvé le bon compromis avec une version semi-scénique de La forza del destino de Verdi ? C’était sans compter sur la malédiction ! Explications…

La forza del Destino 2025 / Anna Pirozzi © Philippe Gromelle / Chorégies d’Orange

Malgré des prévisions météo menaçantes avec une alerte orange à Orange, les festivaliers sont venus en nombre au théâtre antique ce dimanche 20 juillet pour voir La Forza del Destino de Verdi, le titre que les Italiens rechignent à prononcer car il porterait malheur ! Il est bien connu qu’à force de se concentrer sur les anecdotes, les légendes se créent entraînant bien des fantasmes dans leur sillon. Et pourtant, alors qu’à quelques jours de la représentation le ténor Brian Jagde annonçait sa défection, la rumeur d’une malédiction a commencé à enfler rejoignant celle, complètement erronée, d’un festival centenaire que l’on annonce trop vite fait moribond.

Une production réussie sans ni décors ni costumes

La forza del Destino 2025 / Ariun Ganbaatar, Russel Thomas © Philippe Gromelle / Chorégies d’Orange

Même si l’institution traverse une crise, les Chorégies d’Orange ont prouvé qu’elles savaient rebondir en offrant à leurs festivaliers un modèle de représentation. Alors que les tutelles réduisent les budgets, le spectacle continue et se fera alors en économisant sur les décors et les costumes sans jamais sacrifier à la qualité. Après une Tosca de luxe la saison dernière, deux affiches de prestige ont été présentées cette année dans un dispositif simple mais miraculeusement efficace, des vidéos et de photos projetées sur l’immense mur du théâtre antique remplaçant les décors. À l’aide des sous-titres et des mouvements de scène (méticuleusement réglés par Jean-Louis Grinda, le directeur artistique des Chorégies en personne), l’imagination fait le reste. Débarrassés des intentions parfois hasardeuses d’un metteur en scène, les artistes et la musique sont au cœur de la représentation à commencer par un chef idéal. Toujours directeur de l’Opéra National de Lyon, Daniele Rustioni est assurément une personnalité en vue (récemment nommé chef invité au prestigieux Metropolitan Opera de New York) qui n’oublie pas son métier. L’ouverture, si connue, intense et raffinée annonce un théâtre qui guidera sa direction attentive et magnifique. L’Orchestre de l’Opéra de Lyon fait des merveilles comme les chœurs toujours superbes. Lorsque l’on sait l’importance de leurs parties dans les opéras de Verdi, la prestation est à saluer car elle se hisse au même niveau d’excellence que ce plateau vocal de grand luxe.

En portant du vert sur scène, il faut s’attendre à ce qu’il pleuve des cordes !

La forza del Destino 2025 / Anna Pirozzi, Russel Thomas © Philippe Gromelle / Chorégies d’Orange

En coproduction avec un Festival d’Aix-en-Provence qui trouve ici une opportunité d’ouvrir ses spectacles à un plus grand nombre, l’affiche est proche de l’idéal avec des confirmations, une révélation mais également une déception. Même s’il est un remplaçant des plus honorables dans le rôle de Don Alvaro, il faut reconnaître que le ténor Russell Thomas n’est pas au même niveau que ses camarades. Un suraigu tendu marque les limites d’une voix souvent fatiguée même s’il défend son grand air avec un certain panache. Face à lui dans les duos, Anna Pirozzi et surtout Ariun Ganbaatar lui volent la vedette. Le baryton mongol est la grande révélation de la soirée avec un timbre marqué et séduisant ainsi que toutes les qualités du baryton-Verdi, aigu facile, couleurs et implication dramatique. Un artiste à suivre de près, de toute évidence, qui confirme la maîtrise d’une distribution où chacun est à sa place. Dignes vétérans, Rodolphe Briand excelle en Mastro Trabuco, rôle de caractère comme Michele Pertusi. Le grand baryton poursuit sa belle carrière dans des rôles secondaires (Il Marchese di Calatrava/Padre Guardiano) où il fait autorité. Maria Barakova a de l’aplomb et montre même du chien dans son incarnation de Preziosilla tandis que Julie Pasturaud et Louis Morvan complètent raisonnablement cette distribution pourtant marquée par la malédiction. Est-ce parce que les tenues d’Anna Pirozzi et de Russel Thomas étaient vertes que la pluie s’est abattue soudainement sur Orange privant les spectateurs du dernier acte ? Même privée de son grand air « Pace, pace mio Dio », la soprano a facilement conquis son public grâce à l’aisance de sa grande voix qu’elle allège avec talent dans un très beau « La Vergine degli angeli » accompagnée par un chœur masculin de toute beauté. Le seul regret sera de ne pas avoir profité plus de l’abattage d’Ambrogio Maestri dans la scène de Fra Melitone. Le baryton sirotait tranquillement un verre en terrasse à une heure de la représentation se moquant bien de la « maledizione » qui aura frappé les Chorégies pour laisser un très beau souvenir grâce à l’intensité du spectacle et à cette humidité inattendue.

Turandot cauchemardesque à Savonlinna

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