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Quels compositeurs va-t-on fêter en 2024 ?

Quels compositeurs va-t-on fêter en 2024 ?

Moderato est un mouvement en musique mais sans modération aucune, l’année 2024 sera riche en célébrations. Le champagne va couler à flot en Italie, en France mais aussi en République tchèque. Qui sont les compositeurs de 2024 ? Réponse…


Comme en 2022 avec César Franck, l’année 2023 a porté ses fruits. Maria Callas, grande star célébrée partout dans le monde, a bien mérité cet engouement qui d’année en année ne faiblit pas. Quelques concerts bienvenus, des documentaires de qualité, des expositions attendues et la réouverture d’un musée à Athènes auront permis de découvrir de nouvelles choses et notamment de réhabiliter la ville de son enfance et l’Opéra national de Grèce où elle a fait ses débuts. Une chose est sûre, l’interprète de légende qui n’est pas un compositeur mais qui les représente tous a bien sa place au panthéon des divas et des déesses. L’évidente tête du classement l’année dernière a éclipsé pas mal de grands artistes mollement considérés en 2023. Quid de William Byrd, Edouard Lalo ou Pablo Casals ? Sergei Rachmaninov, né en 1873, a été joué mais ni plus ni moins que lors d’une saison traditionnelle tandis que Max Reger, Marc'Antonio Cesti, Ernest Reyer et Johann Joachim Quantz sont restés dans l’anonymat à attendre leur heure. Seul György Ligeti, à l’occasion du centenaire de sa naissance, a tiré profit de la médiatisation « anniversaire » avec une présence notable à l’affiche. Grâce la richesse de son écriture, ce compositeur singulier n’a pas fini d’être redécouvert ! 

La première place du Compositeur de l’année 2024 revient à…

Que nous réserve 2024 ? Alors que certaines années le doute est possible, cette fois le nom du compositeur en tête du classement est une évidence. La notoriété de Giacomo Puccini est telle que le père de Bohème, Tosca ou Turandot culmine avec déjà de nombreuses productions à l’affiche et des concerts événementiels annoncés de-ci de-là.  Mort en 1924, il y a 100 ans, Puccini recevra à coup sûr beaucoup plus d’hommages que ses compatriotes italiens comme Spontini, Busoni ou Jommelli, également dans l’actualité de 2024. Une autre figure de l’opéra et du symphonique peut tirer son épingle du jeu. Bedřich Smetana, surtout connu pour être le compositeur de La Moldau, a écrit de nombreux opéras (comme La fiancée vendue, le plus célèbre) qui seront à l’affiche du National Moravian Theater. Espérons qu’ils soient joués ailleurs qu’en République tchèque où Smetana est une figure majeure de la musique classique. Autre grand nom de la symphonie, Anton Bruckner, né en 1824, sera vraisemblablement célébré a minima comme Rachmaninov l’année dernière. Le compositeur autrichien étant de plus en plus au programme, les grandes formations orchestrales continueront à ravir les mélomanes. C’est tout le paradoxe des programmes « anniversaire » qui ne concernent que de loin un public habitué à entendre régulièrement des œuvres inscrites profondément au répertoire. Gabriel Fauré mérite quand même les honneurs en France et partout ailleurs où la subtilité et la force de ses œuvres touchent au plus profond. Tout semble avoir été dit mais peut-être que les chercheurs du Palazzetto Bru Zane se pencheront sur ses écrits pour dénicher des perles enfouies, à moins qu’ils ne s’intéressent à un autre compositeur français comme Darius Milhaud. Le marseillais souffre sans aucun doute d’un manque de notoriété comme ses contemporains Charles Ives et Luigi Nono. Seront-ils plus célébrés en 2024 ? La question se pose aussi pour Arnold Schönberg, né il y a 150 ans, et figure écrasante de la musique moderne. CCC a dressé cette liste non exhaustive des compositeurs nés ou morts il y a 50, 100, 150, 200 ou 250 ans pour pointer quelques projecteurs sur…


1 - Giacomo Puccini (1858-1924) mort il y a 100 ans

Source : Giacomo Puccini / Wikimedia Commons

Grand maître de l'opéra, Giacomo Puccini est le compositeur italien le plus connu au monde tout de suite après Verdi. Issu d’une longue lignée de musiciens, il a hérité d'une tradition familiale tout en développant un style expressif et mélodique unique qui le classe entre romantisme et vérisme. Puccini a contribué à l'évolution du genre lyrique en explorant les émotions humaines de manière captivante tout en développant un langage harmonique et orchestral d’une infinie richesse. Son habileté à créer des mélodies inoubliables et à susciter une émotion sans pareille a laissé une empreinte durable dans de nombreux chefs-d’œuvre. La Bohème, Tosca, Madama Butterfly et Turandot, parmi les œuvres les plus interprétées sur les scènes du monde entier, ne doivent pas faire oublier d’autres magnifiques opéras comme La Rondine ou la bouleversante Suor Angelica. Sa mort d’un cancer de la gorge (le comble pour un compositeur d’opéra !) a marqué la fin d'une époque mais son héritage demeure et perdurera bien au-delà de 2024.

Anton Bruckner 1890 © Anton Huber

Anton Bruckner est un cas ! Le grand compositeur autrichien de la fin du XIXe siècle est particulièrement renommé pour ses symphonies monumentales et sa contribution au style musical romantique allemand et pourtant, son Œuvre géniale a mis quelques décennies à s’imposer. Comme pour Mahler, les orchestres frileux n’ont pas toujours osé la grandeur et l’ampleur de son écriture. Il faut dire que la personnalité peu engageante de l’homme lui a fait une drôle de réputation. Influencée par Richard Wagner, sa musique était mieux reçue que sa personne facilement moquée à cause de son allure paysanne, de son accent de province et de sa bigoterie. Profondément religieux, Bruckner a composé ses symphonies comme d’autres construisent des cathédrales. Eternel insatisfait, il a souvent remis son ouvrage sur le métier mais grâce à son style novateur avec des structures amples, des harmonies riches et une orchestration puissante, Bruckner est aujourd'hui salué comme un visionnaire.

3 - Gabriel Fauré (1845-1924) mort il y a 100 ans

Source : Gabriel Fauré 1905 / Wikimedia Commons

Figure majeure de la musique classique française, Gabriel Fauré a traversé les siècles à la fois comme un passeur et comme une individualité. Sa longue carrière qui se situe entre Saint-Saëns, Liszt ou Wagner (dont il n’a pas subi l’influence) et Ravel, Debussy et Nadia Boulanger laisse des chefs-d’œuvre comme le Requiem ou la Pavane. Pour résumer son style, l’on évoque souvent la finesse des mélodies, le raffinement harmonique, l’équilibre de la composition mais l’on oublie souvent la force expressive et l’incroyable émotion que provoque certaines de ses courtes pièces. L’art du maître est sans doute résumé dans ses célèbres mélodies car il a préféré la musique de chambre aux grandes symphonies. Une bonne partie de sa vie a été consacrée à l’orgue (à Saint-Sulpice et l'Église de la Madeleine) mais également à l’enseignement. Il a sans doute influencé certains de ses élèves compositeurs comme Enesco, Ravel ou Koechlin mais Fauré reste un compositeur unique, dans l’approche intime d’une sentimentalité inimitable.

Source : Bedřich Smetana / Wikimedia Commons

Profitant du relâchement de l’hégémonie autrichienne sur son pays, Bedřich Smetana est devenu le compositeur tchèque du XIXe siècle par excellence, souvent considéré comme le père de la musique moderne. Né à Litomyšl, il débute sa carrière à Göteborg avant un retour à Prague où il a joué en effet, un rôle crucial dans le développement de l'identité musicale de la Tchéquie notamment grâce à ses compositions patriotiques et à ses opéras qui célèbrent l'histoire et la culture de la Bohême. Dans une période de patriotisme croissant, il connait ses premiers succès à l’opéra avec Dalibor et les Brandebourgeois en Bohème jusqu’à son apogée, Má Vlast (ma patrie) fresque symphonique composée entre 1874 et 1879 par un Smetana très malade. Autre exemple de son talent, son autre chef-d’œuvre, l’opéra La fiancée vendue, est passé inaperçu à sa création alors que c’est aujourd’hui un pilier du répertoire de l’Opéra de Prague.

Source : Arnold Schönberg (Egon-Schiele 1917) / Wikimedia Commons

Véritable génie qui a révolutionné la musique classique ou fossoyeur des belles sonorités mélodiques, Arnold Schönberg, 150 ans après sa naissance, suscite encore de vives réactions. Il a tenu un rôle plus que majeur dans le développement de la musique moderne et a ouvert des voies qui continuent à être explorées. La « révolution » Schönberg n’est pas arrivée par hasard. Né à Vienne, dans une société extrêmement conservatrice, il a débuté avec des œuvres plutôt post-romantiques avant de créer le fameux système dodécaphonique. Verklärte Nacht et Pierrot Lunaire ont marqué une transition audacieuse vers l'atonalité dans une époque en effervescence. Même s’il a transformé la technique de composition, il s’inscrit dans la continuité du classicisme et du romantisme déjà bien chahuté par Wagner par exemple. En raison de son origine juive, Schönberg a émigré aux États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale où il a fini sa vie.

Source : Darius Milhaud b Meurisse 1923 / Wikimedia Commons

Il est grand temps de réhabiliter Darius Milhaud, compositeur prolifique qui a touché à tous les genres musicaux quitte à perdre les musicologues attachés à leurs cases. Né à Aix-en-Provence, ce méditerranéen restera toute sa vie attaché à son Sud mais également au Brésil qu’il a connu lorsqu’il était secrétaire d'ambassade de Paul Claudel. Proche de Satie et membre du groupe des Six, son audace provoque quelques scandales dans une époque où il est facile de s’indigner. Son style éclectique intègre des éléments du jazz, du folklore brésilien et du polytonalisme mais la mélodie reste au centre de ses compositions. Parmi ses œuvres notables figurent Le Bœuf sur le toit, la Suite provençale ou La Création du monde. Il laisse une quinzaine d’opéras dont Le Pauvre Matelot et La Mère Coupable, dernier opus des aventures de Figaro. Milhaud a également enseigné aux États-Unis, où il a été professeur à Mills College en Californie. Il repose chez lui, à Aix-en-Provence.

Gaspare Spontini by Henri Grévedon

Etonnant parcours que celui de Gaspare Spontini. Né à Maiolati dans les Etats pontificaux, il est issu d'une famille très modeste et commence sa carrière de compositeur à Naples avant que sa réputation ne traverse les Alpes. Il connaîtra un succès considérable à Paris et deviendra même compositeur particulier de la chambre de S.M. l'Impératrice. Son nom est associé à celui de Napoléon qui utilisera la musique (et celle de Paisiello, le préféré) pour exalter son régime, sur fond de références antiques. Ouvrage qui marque la naissance du Grand Opéra français, La Vestale est le chef-d’œuvre de Spontini qui connaîtra ensuite des fortunes diverses. Nommé directeur du Théâtre-Italien où il révèle Don Giovanni et Cosí fan tutte de Mozart au public français, il perdra la plupart de ses charges à la Restauration. La gloire montante de Rossini le pousse à quitter la France pour l’Allemagne où il est nommé directeur musical de la cour mais le succès n’est pas toujours au rendez-vous. Il finit ses jours en Italie où il est accueilli comme un souverain.

Source : Ferruccio Busoni / Wikimedia Commons

Avec des parents musiciens, Ferruccio Busoni, pianiste précoce, a débuté comme soliste à Trieste avant de faire sa carrière principalement en Autriche et en Allemagne où il jouera un rôle important en tant que pédagogue et théoricien, publiant des écrits influents sur l'interprétation musicale et l'esthétique. Son nom est passé à la postérité surtout pour les nombreuses œuvres de Bach qu’il a transcrites pour piano mais la musique de Busoni ne se résume pas qu’à cela. On lui doit quelques opéras qui, comme Arlecchino, s’inspirent de la commedia dell’arte ou Doktor Faust, son chef-d'œuvre créé à titre posthume en 1925, qui a donné une impulsion essentielle au théâtre musical moderne. Après un regain d’intérêt dans les années 80, ses compositions au carrefour de la modernité sont à redécouvrir comme ce monumental Concerto pour piano et chœur d'hommes en cinq mouvements, l’un des plus longs du répertoire !

Charles Edward Ives - National Portrait Gallery, Smithsonian Institution (NPG.82.185)

Charles Ives est une personnalité un peu à part dans le paysage de la musique classique. Même s’il a étudié la composition à Yale, il a travaillé comme homme d'affaires tout au long de sa vie, conciliant sa carrière de compositeur avec ses activités professionnelles. Ce n’est que tard qu’il sera reconnu comme l'un des pionniers de la musique moderne et expérimentale aux États-Unis. Son rapport avec le public est d’ailleurs assez étonnant car, n’écrivant pas pour être joué, il n’a presque jamais assisté à la création de ses œuvres même s’il a reçu le Prix Pulitzer en 1947. Son style musical novateur incorpore des éléments de polytonalité, de collage sonore et est fait d'expérimentation harmonique qui devance les travaux d’un Stravinsky par exemple. Aujourd’hui, l’on reconnait que son œuvre, souvent audacieuse et non conventionnelle, était en avance sur son temps. Son impact sur la musique américaine s'est révélé significatif, influençant des générations de compositeurs à venir.

Source : Luigi Nono 1970 / Wikimedia Commons

Vivaldi n’est pas le seul compositeur vénitien. Même si sa notoriété écrase largement tous les autres natifs de la Sérénissime, il reste une place pour Luigi Nono qu’on associe au mouvement de la musique contemporaine et à l'avant-garde. Nono a étudié avec des compositeurs tels que Bruno Maderna ou Hermann Scherchen et a composé des œuvres qui ont joué un rôle crucial dans le développement de la musique sérielle et électroacoustique. Son engagement politique était évident dans ses compositions (il était membre du parti communiste italien), reflétant des idées de justice sociale et d'émancipation. Même si sa musique souhaite inciter à la prise de conscience et à la discussion, l’écriture ne cède en rien à la facilité dans des compositions caractérisées par des techniques expérimentales. Son opéra Prometeo a même révolutionné le domaine de l’action scénique et son influence reste grande aujourd’hui encore.

Source : Jommelli by Wintter / Wikimedia Commons

N’en déplaise à Riccardo Muti ou au Festival della Valle d'Itria de Martina Franca qui ont fait quelques tentatives, Niccolò Jommelli peine à s’imposer à l’affiche des théâtres italiens et dans le monde comme pas mal de compositeurs de cette période préclassique. Pourtant, on lui doit une soixantaine d’opéras et bon nombre d’œuvres lyriques. Ayant commencé sa carrière à Naples puis Rome et Bologne, Jommelli a connu un parcours assez typique pour un compositeur européen de cette époque car sa notoriété lui permettra d’obtenir des postes à Vienne et surtout à Stuttgart où il résidera une bonne dizaine d’années. Bien que moins connu que certains de ses contemporains, il a laissé une marque importante sur la scène musicale de son époque avec une certaine influence sur le mélodrame. Son style galant et l’élégance de son écriture orchestrale ne demandent qu’à être redécouverts et surtout entendus sur scène. 

Toute l’équipe de CCC vous souhaite une très bonne année 2024 !

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