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Turandot cauchemardesque à Savonlinna

Turandot cauchemardesque à Savonlinna

Les grands titres et les créations sont chaque saison au programme du Festival d’Opéra de Savonlinna. La Princesse Turandot peut tenir cour dans un lieu aussi majestueux que le château d’Olavinlinna à défaut d’une mise en scène réussie. Explications…

Turandot © Toni Härkänen./ Savonlinna Opera Festival

Alors que, dans le cadre du Festival d’Opéra de Savonlinna 2025, les mélomanes sont restés sur un nuage de brume écossaise après la représentation de Macbeth de la veille, la Chine fantasmée de Puccini s’est invitée le 9 juillet 2025 sur le plateau la forteresse d’Olavinlinna. La cour intérieure a accueilli la représentation de Turandot, la célèbre reine de glace, dans la reprise d’une mise en scène de Pet Halmen de 2003. Autres temps, autres mœurs, alors que l’opéra de Verdi a atteint des sommets, le dernier chef-d’œuvre de Puccini n’a que peu convaincu les festivaliers. Quelques faiblesses de distribution n’ont pas sauvé une production volontaire mais peu lisible.

Ping, Pang, Pong dingues dingues !

Turandot 2025, Sonja Herranen (Liú), Petri Lindroos (Timur), Francesco Pio Galasso (Calaf) © Toni Härkänen./ Savonlinna Opera Festival

Avec la découverte d’un beau décor représentant les toits de Pékin avec ses tuiles typiques et l’apparition du Mandarin dans un superbe costume chinois que n’aurait pas renié Franco Zeffirelli, tout présageait une représentation traditionnelle jusqu’aux apparitions de Calaf, Liú et Timur. Des intentions de metteur en scène se sont précisées à l’apparition de la basse en costume de ville avec le chapeau caractéristique porté par Puccini. Renseignements pris dans le programme de salle au premier entracte, la production de Turandot est à comprendre comme le cauchemar du compositeur au seuil de sa vie. Calaf en costume de Pinkerton (le héros américain de Madama Butterfly) et la tendre Liú, en soubrette, qui subit les agressions sexuelles de Ping, Pang et Pong affublés de tenues de chirurgiens, sont donc les divagations d’un cerveau bouillonnant et malade. Les mélomanes renseignés savent que Turandot est le dernier opéra de Puccini, emporté par un cancer de la gorge avant la fin de sa composition, mais pour ceux qui ont découvert le chef-d’œuvre à cette occasion, il n’est pas sûr que ses références aient beaucoup aidé à comprendre l’histoire. Même si, passé l’anecdote des premières scènes, la mise en scène respecte à peu près le livret, le bric-à-brac peine à prendre sens et surtout, à apporter un éclairage nouveau et pertinent au chef-d’œuvre si souvent à l’affiche. Alors que l’orchestre du Festival avait fait des merveilles la veille dans Macbeth, la direction bien sage d’Yves Abel n’a pas apporté le feu qui manquait à la production de Pet Halmen. En revanche, même s’il n’est pas mis en valeur par des tenues qui évoquent des Men in Blue en costumes Mao, le chœur du Festival d’Opéra de Savonlinna préparé par Jan Schweige porte les meilleurs emportements vocaux de la soirée avec force et beauté de timbres. Un grand moment à chaque intervention…

Il n’y a pas que l’aigu dans la vie !

Turandot 2025, Ewa Płonka (Turandot) / Savonlinna Opera Festival

Côté distribution, le Calaf d’Amadi Lagha est une déception. Peu aidé par son costume inadéquat, le ténor est en peine avec la justesse dans le premier acte avant de retrouver ses moyens après le célèbre “Nessum dorma” qu’il défend avec solidité mais sans brillant. L’air qui est le tube le plus attendu de l’opéra n’aura pas été applaudi malgré un aigu puissant. Ewa Płonka est une grande habituée du rôle de Turandot réputé lourd. La soprano affronte les difficultés de la partition avec vaillance et impressionne plus d’une fois avec ses aigus dardés et sûrs. Elle s’amuse à ajouter un suraigu dans des poses théâtrales qui rappellent une autre époque mais qui fonctionnent plutôt bien pour caractériser son personnage. Le traitement scénique de Ping, Pang et Pong (Einar Dagur Jónsson, Aljaž Žgavc et Veikko Vallinoja) affublés de lunettes à gros nez est dérangeant le plus souvent. Même si Puccini a puisé son inspiration dans la Commedia dell’arte, les personnages qui sont tour à tour des bouchers, des bourreaux ou des violeurs sont le plus souvent ridicules et de mauvais goût avec hélas, beaucoup trop de faussetés et d’approximations vocales. En Timur/Puccini, Petri Lindroos semble désormais bien fatigué face à la toute jeune Sonja Herranen qui nous a ravis avec un bel aigu filé pianissimo dans son premier air. Le deuxième demande encore un peu de travail pour convaincre totalement mais la jeune artiste est prometteuse. Sans être tout à fait le cauchemar imaginé par le metteur en scène, ce Turandot laissera un goût d’inachevé comme un rêve sans queue ni tête de dragon !

Malédiction aux Chorégies d’Orange, c’est la Force du Destin !

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« Best Macbeth ever! »* au Festival d’Opéra de Savonlinna

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