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Grande compétition à Paris pour élire de nouvelles voix internationales

Grande compétition à Paris pour élire de nouvelles voix internationales

Le mélomane est toujours enthousiaste à l’idée de découvrir les nouveaux talents. Une fois tous les deux ans, la Paris Opera Competition lui offre ce privilège. Cette fois dans le prestige du Palais Garnier, le rendez-vous était-il réussi ? Réponse…

Paris Opera Competition (c) Marina Bourdais

Tous les deux ans a lieu la prestigieuse Paris Opera Competition. Le chaos mondial a empêché la 7ème édition de se tenir comme prévu en 2021 mais enfin ! les épreuves ont pu se dérouler devant un jury très haut de gamme et un public nombreux, le samedi 22 janvier 2022 à Paris. Neuf candidats venus du monde entier (Allemagne, Azerbaïdjan, Brésil, Canada, Chili, Ecosse, Espagne, Roumanie, Royaume-Uni, Turquie, Venezuela) se sont produits sur la scène du Palais Garnier pour décrocher l’un des trois prix remis à l’issue de la représentation. Le principe du concours est un peu différent des autres compétitions où les chanteurs déclament leurs airs à la queue leu leu. Ici, ils sont également jugés sur leur qualité scénique et c’est dans la cadre d’une production mise en scène par Florence Alayrac qu’ils ont évolué.

Tous ceux qui brillent au Palais Garnier

Paris Opera Competition / William Desbiens © Marina Bourdais

Les scènes plus intimes du Théâtre des Champs-Elysées ou de la Salle Gaveau où l’événement avait lieu auparavant semblent plus propices et favorables aux chanteurs. En début de carrière, certains paraissaient perdus sur un plateau qui réclame plus d’éléments malgré les grands et élégants panneaux animés d’images de la capitale qui constituaient le décor. Quelques voix ont sans aucun doute été intimidées voire désavantagées par l’acoustique du grand vaisseau dans de fades costumes de la guerre de 14 sans réelle inspiration. En changeant de lieu, la Paris Opera Competition a sans doute gagné en prestige mais il ne faudrait pas que ce soit au détriment de ce qui fait l’originalité de cette magnifique entreprise. Après la disparition de Pierre Vernes, le concours pleure cette année l’absence de la co-fondatrice Isabelle de Montaigu. Aujourd’hui, le directeur artistique Jérôme Angot entretient la flamme avec passion et un professionnalisme remarquable. L’on connaît peu de personnalités dans le monde musical qui puissent s’enorgueillir d’avoir réuni des artistes d’un niveau international et un jury aussi illustre.  Placés dans la loge d’apparat, ses membres ont sans doute eu moins le loisir d’observer les expressions des visages que les spectateurs des premiers rangs. Ils ont cependant pu rendre un verdict satisfaisant en appréciant les voix plus facilement que l’auteur de ces lignes assis dans le fond, juste derrière eux.

Révélations, complicité et déceptions...

Paris Opera Competition / Serena Saenz Molinero © Marina Bourdais

Deux magnifiques maîtres des cérémonies ont présenté la soirée formant un impeccable duo. La très belle artiste Béatrice Uria-Monzon et l’élégant journaliste Jean-Michel Dhuez complices ont installé une ambiance conviviale mariant charme et compétence. Après les remerciements d’usage adressés par la présidente Nicola Oppermann-Labourdette aux nombreux sponsors, Serena Saenz Molinero, soprano espagnole de 27 ans a ouvert le bal avec le célèbre air des clochettes de Lakmé. Le pari aurait pu sembler risqué devant un parterre francophone surtout que la prononciation de la jeune artiste est perfectible. Elle a réussi néanmoins avec une voix posée à convaincre plus facilement que Deniz Uzun. Tendue, la mezzo germano-turque de 28 ans n’a vraisemblablement pas donné le meilleur d’elle-même dans l’air de Jeanne extrait de La Pucelle d’Orléans de Tchaikovsky pourtant bien choisi. Voix volontaire au timbre chaud, le mezzo peine malheureusement dans les aigus. Venu d’Ecosse, le baryton de 27 ans Luke Scott incarne un Valentin du Faust de Gounod impliqué mais la projection est trop limitée pour s’emparer du Palais Garnier contrairement à sa partenaire anglaise Anna Harvey. Avec l’air de Sesto « Parto parto ma tu ben moi », Mozart trouve une interprète naturelle. La mezzo de 27 ans possède déjà un sérieux métier et une bonne technique vocale. Comme elle, William Desbiens convainc d’emblée dans le duo d’Hamlet d’Ambroise Thomas. Le baryton canadien de 24 ans a lui aussi bien des atouts à commencer par une diction exemplaire, une longueur de souffle et une belle étendue vocale qui lui permettent d’aborder en deuxième partie le célèbre air de Figaro du Barbiere di Siviglia de Rossini. Malgré son abattage et une bonne technique, l’artiste ne se retrouvera pas au palmarès contrairement à la concurrente suivante. Autre révélation du concours, à 28 ans l’impressionnante mezzo Aytaj Shikhalizada venue d’Azerbaïdjian est une évidence dans « Cruda sorte » à l’impeccable vocalise rossinienne. Avec de beaux graves et des aigus atteints sans aucune difficulté, la chanteuse qui s’illustrera dans les ensembles de Rimsky-Korsakov et Mozart survole les différents répertoires avec style. Un grand bravo !

Victoire écrasante de l’équipe féminine

Serena Saenz Molinero, Anna Harvey & Aytaj Shikhalizada / Paris Opera Competition © Marina Bourdais

A l’inverse et même si l’on peut déjà lui prédire une carrière, le ténor roumain George Vîrban (27 ans) n’a pas réussi à se démarquer dans Verdi, Rossini ou Tchaikovsky. Maria Carla Pino Cury, soprano chilienne de 31 ans est un cas d’école. En abordant le belcanto (Linda di Chamounix de Donizetti) avec grâce mais un timbre marqué qui n’est pas sans rappeler celui de Berverly Sills, l’artiste se risque à ne pas faire l’unanimité. Il n’y a hélas ! que trois prix qui échapperont à la soprano venezuelienne Maria Brea (31 ans) malgré de réelles qualités vocales et scéniques. « Depuis le jour » (Louise de Charpentier) nuancé et maitrisé a été le prélude du trio du Rosenkavalier de Richard Strauss (avec Serena Saenz Molinero et Anna Harvey), l’un des plus beaux moments de la soirée. Les neuf chanteurs ont été portés par le chef Pierre-Michel Durand à la tête de son Orchestre Prométhée dans un exercice délicat passant avec le même talent de Rossini à Mozart ou de Tchaikovsky à Gounod. Après une délibération éclair, l’heure des résultats a sonné. Serena Saenz Molinero repart avec le troisième prix (Prix Nicola Oppermann-Labourdette) et le prix du public présent dans la salle qui a voté par SMS. Sans réelle surprise, Aytaj Shikhalizada se retrouve au palmarès en remportant le deuxième Prix, Prix Claude Dassault. La grande gagnante de la soirée est Anna Harvey, lauréate 2022 du Prix Pierre Vernes de la Paris Opera Competition. Cette 7ème édition était assurément une soirée de grande dame, à l’image de la regrettée Isabelle de Montaigu.

 

Les membres du jury de l'édition 2022 :

Anne Solveig-Blanchard - Directrice artistique du Festival international d'Opéra baroque et romantique de Beaune / Julien Benhamou – Administrateur artistique du Festival d’Aix-en-Provence / Damià Carbonell Nicolau – Directeur de l'administration artistique de l'Opéra national des Pays-Bas / John Fiore – Chef d’orchestre / Michel Franck – Directeur Général du Théâtre des Champs-Elysées, Président du Jury / Sophie Joyce - Directrice de casting à l'Opéra de Paris / Alain Lanceron - Président de Warner Classics & Erato / Erik Malmquist - Directeur de casting du Bayerische Staatsoper de Munich / Richard Martet – Rédacteur-en-chef d’Opéra Magazine / Laurent Pelly – Metteur en scène / Matthias Schulz – Directeur Général du Berlin Staatsoper / Ludmila Talikova – Directrice du Département d’Opéra du Bolchoï Theatre / Eric Vigié – Metteur en scène, Directeur de l’Opéra de Lausanne / Evamaria Wieser - Directrice de casting du Festival de Salzbourg et casting consultant pour l’Opéra de Chicago

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