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L’Armide de Véronique Gens, un Gluck enchanté à Comique

L’Armide de Véronique Gens, un Gluck enchanté à Comique

Avec Haendel, Haydn et Rossini, les mélomanes ont maintes fois eu l’occasion de tomber sous le charme d’Armide mais ce sont les trop rares opéras de Lully et Gluck qui remportent la palme de l’émotion comme à l’Opéra Comique, malgré tout ! Explications…

Véronique Gens (Armide), Florie Valiquette (Sidonie), Apolline Raï-Westphal (Phénice), danseurs © S. Brion

Un alignement de planètes favorable a placé Gluck en maison Favart. Avec plusieurs concerts à l’affiche à Paris, Soissons et Versailles, l’horoscope du compositeur semblait des plus favorables pour annoncer une renaissance de ses opéras. Après une ouverture de saison réussie au Théâtre des Champs-Elysées avec l’Orfeo ed Euridice, c’est encore à Paris, à l’Opéra Comique, que l’audace allait payer avec Armide, autre magnifique chef-d’oeuvre. Alors qu’elle pourrait avoir l’ascendant sur bon nombre de titres, la pièce qui explore les tourments d’une magicienne bien connue des mélomanes, n’a hélas ! jamais inspiré ni les directeurs de Théâtre, ni les metteurs en scène, incompréhensiblement trop frileux. Pourtant, le livret de Quinault, déjà exploité pour une autre merveille signée Lully, regorge de temps forts et offre une partition idéale à son héroïne. Ce samedi 5 novembre 2022, Véronique Gens était sur scène prête à envoûter l’Opéra Comique. Grâce au complice enchanteur Christophe Rousset, le charme a pris malgré une mise en scène peu évocatrice.

Un drame héroïque de haut niveau malgré la plate mise en scène

Véronique Gens (Armide), choeur les éléments © S. Brion

Avec une tragédienne aussi exceptionnelle que la grande soprano française, il semblait facile de créer le théâtre qui va autour comme l’avait fait Laurent Pelly pour Sabine Devieilhe. Dans Lakmé, la dernière production vue à Comique, le metteur en scène avait créé un écrin subtil qui rendait encore plus inoubliable la prestation de son interprète. Avec un dispositif scénique assez similaire, Lilo Baur bientôt empêtrée par les costumes trop pesants d’Armide, se contente de régler des déplacements, sans raffinement. Les chanteurs livrés à eux-mêmes sont bien gauches sans parler des membres du chœur aux mimiques embarrassantes. Heureusement, le livret est respecté et l’histoire reste lisible mais que d’occasions manquées ! La scène de La Haine, les lieux admirables de Renaud, le départ fracassant d’Armide sont platement illustrés, sans passion et sans imagination. Charge alors à l’orchestre de faire le travail et Christophe Rousset à la tête de ses Talens Lyriques brille de mille feux. Après une ouverture martiale, il sert admirablement une partition foisonnante, passant des couleurs pastel à l’intensité du noir pour traduire les tourments du théâtre de Gluck. L’orchestre joue le drame et l’enchantement dans l’acoustique si propice de la Salle Favart même si quelques voix aigrelettes viennent perturber l’homogénéité du chœur Les éléments que l’on a connu plus beau.

Véronique Gens et Armide sont grandes

Véronique Gens (Armide), Ian Bostridge (Renaud) © S. Brion

Avec le tapis de soie, de velours et de ronces déroulé par Rousset, Véronique Gens n’a plus qu’à être elle-même, tour à tour enchanteresse, amoureuse éplorée et vengeresse. La divine tragédienne, enfin sur scène dans un rôle idéal pour montrer l’étendue de son talent, trouve l’exact tonalité d’Armide. Les mots de Quinault sont dits avec naturel, la musique de Gluck chantée avec évidence et le drame, intensément incarné. Même si l’on comprend ce qui a pu séduire Ian Bostridge, le rôle de Renaud arrive trop tard dans la carrière du ténor de 57 ans qui a tant séduit dans Schubert ou Britten. Alors qu’il a peu chanté en français, sa diction est étonnement bonne mais la conduite de la voix n’étant plus ce qu’elle était, l’émission durcie entraîne maintenant quelques problèmes de justesse. Le statisme de la mise en scène ne l’aide pas à construire son personnage. La même défaillance handicape sérieusement les pourtant bien-chantants Edwin Crossley-Mercer (Hidraot) et Anaïk Morel (La Haine), peu remarqués dans des rôles d’importance qui passent hélas ! au second plan. A l’inverse, Florie Valiquette, Apolline Rai-Westphal moins compréhensibles que leurs comparses Enguerrand de Hys et Philippe Estèphe tirent leur épingle du jeu dans les divers petits rôles même si les différents aspects de leurs parties (dont le comique) sont pauvrement exploités. Comme le chef-d’œuvre de Lully, Armide de Gluck est un opéra puissant qui devrait être à l’affiche beaucoup plus souvent. Avec Véronique Gens comme héroïne idéale, l’Opéra Comique pourrait monter à nouveau un spectacle comme il l’a fait pour Lakmé. La première production parisienne de Sabine Devieilhe signée Lilo Baur (déjà !) n’ayant pas convaincue, la suivante a obtenu le succès que l’on sait. A bon entendeur…

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