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A Istanbul avec l’excellent Borusan, Joyce DiDonato perd son latin

A Istanbul avec l’excellent Borusan, Joyce DiDonato perd son latin

Le mélomane globe-trotter sait qu’Istanbul est également une belle destination musicale. Depuis plusieurs décennies le Borusan Istanbul Philharmonic Orchestra s’illustre avec de très belles affiches même lorsqu’elles ne tiennent pas toutes leurs promesses. Explication…

© Umut Ozge Balkan

Istanbul n’est pas seulement l’époustouflante ville à cheval entre Europe et Asie où des siècles d’histoire attendent les passionnés. Le joyaux turc est également une grande capitale culturelle. Depuis bientôt 30 ans, une institution est particulièrement active pour maintenir l’offre au plus haut. La Fondation Borusan est très présente en matière de développement artistique mais aussi musical grâce à son Orchestre, le Borusan Istanbul Philharmonic Orchestra. Fondé en 1993, l’ensemble poursuit une belle et passionnante aventure avec l’arrivée récente d’un nouveau directeur artistique. Passé la difficile période des confinements, il revient au-devant de la scène européenne avec, à nouveau, une liste prestigieuse d’artistes invités. Dans l’impressionnante salle du Zorlu PSM de quelques 2 200 places, ce jeudi 21 mars 2024, les stambouliotes et quelques critiques musicaux bien chanceux sont venus applaudir Joyce DiDonato, star des mezzos, dans un ambitieux programme Berlioz et Strauss.

La nouvelle affiche du Borusan d’Istanbul

© Umut Ozge Balkan

Entre un orchestre et son chef, ce sont souvent des relations d’affection qui se nouent. Alors que le Borusan Istanbul Philharmonic Orchestra a vécu une belle histoire avec Sascha Goetzel qui a duré onze années, un nouveau directeur est venu prendre les rênes, naturellement. La période de Covid ayant compliqué le recrutement, plusieurs invités se sont succédés comme Carlo Tenan qui a réussi à tout de suite créer une connexion. Même s’il n’est pas encore très connu sur la scène musicale internationale, il mène néanmoins une belle carrière qui lui a permis de se faire remarquer à Rome, Bologne, Pesaro mais aussi à Salzbourg, en Allemagne ou au Japon. L’ancien assistant d’Antonio Pappano, Mstislav Rostropovich et Lorin Maazel a œuvré à la destinée du Wunderkammer Orchestra qu’il a créé. En choisissant un programme Berlioz et Richard Strauss, il prouve une ambition et surtout sa confiance car il sait qu’il peut s’appuyer sur le savoir-faire de son orchestre. La formation compte une grande majorité de musiciens turcs, artistes passionnés et tous engagés à produire le meilleur son. Avec la « Marche de Rákóczy » de La damnation de Faust en ouverture, on-ne-peut-plus en fanfare, l’ensemble s’attaque à un tube de la musique classique mais pas forcément le plus évident à diriger. Tenan trouve un équilibre posé entre grand spectacle et puissance mais c’est avec la Suite de Rosenkavalier qu’il explore toutes les possibilités du Borusan avec brillant. Les saillies orchestrales sont soutenues par un tempo rapide avec une présentation à la rose qui reste l’un des plus beaux moments. C’est en effet dans la subtilité que les musiciens excellent avec une tenue de chaque pupitre pour produire un son joliment nuancé. Dans ce programme tourné vers l’opéra, les voix étaient partout présentes dans l’orchestre grâce aux belles couleurs des instrumentistes.

Je suis le spectre d’une rose moins éclose qu’à l’habitude

© Umut Ozge Balkan

Sur scène cependant, seule une invitée de grande renommée couvrait tout l’univers du chant. On ne présente plus Joyce DiDonato, la grande mezzo américaine qui, depuis maintenant 25 ans, s’illustre dans les salles les plus prestigieuses dans le monde. Dès ses débuts, l’artiste lyrique a toujours défendu un large répertoire, du baroque au contemporain, avec la même conviction et une grande passion. Berlioz est un compositeur qui l’a toujours accompagnée jusqu’à de récents enregistrements des grandes héroïnes (Didon, Marguerite, Cléopâtre) avec John Nelson qui font référence. Le premier air extatique “Premiers transports que nul n’oublie” extrait de Roméo et Juliette, comble une partie des attentes. La pulpe de ce timbre unique envoute malgré quelques ruptures. Etonnamment, la diction se relâche dans les longues phrases du célèbre air « D'amour l'ardente flamme » (La damnation de Faust) accusant sans doute une méforme. En grande professionnelle, l’artiste susurre un « spectre de la rose » des Nuits d'été en prenant appui sur ses graves pour couvrir la large tessiture jusqu’à l’aigu triomphant et cette dernière phrase où l’émotion pointe enfin. En seconde partie, dans une nouvelle superbe robe, Joyce DiDonato aborde des Lieder orchestrés de Richard Strauss le nez plongé dans sa partition. Privé des expressions du visage et de traduction, le public ne peut goûter pleinement à la poésie des textes pourtant essentielle. “Wiegenlied” et “Muttertändelei“ sont enchainés avant “Morgen” et “Zueignung“ plus engagés. L’orchestre déroule le beau tapis sonore attendu dans « Morgen » avec un premier violon (Nilay Sancar) superbement délicat. La phrase straussienne avec ses sons filés demande une maîtrise malheureusement moins éclatante ce soir où Joyce DiDonato semble absente, hélas ! En bis, la pétillante mélodie « Anzoleta avanti la regata » de Rossini redonne le sourire qui n’aurait jamais dû nous quitter. Les étoiles méritent de briller encore plus fort à Istanbul qui s’en donne les moyens grâce au retour en force du Borusan Istanbul Philharmonic Orchestra.

© Umut Ozge Balkan

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