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A Rouen, Vincent Dumestre fréquente la très belle Dido

A Rouen, Vincent Dumestre fréquente la très belle Dido

Mettre en scène un chef d’œuvre comme le Dido & Aeneas de Purcell peut se révéler être une gageure. En cause, la durée ramassée pour un opéra et la suite de tableaux qui offre aux metteurs en scène, une courte liberté et les obligent souvent à condenser l’action sur une ou deux scènes clés, en faisant la plupart du temps, l’impasse sur les décors.

Ce 11 mai 2014, à l’Opéra de Rouen Haute-Normandie, Cécile Roussat et Julien Lubek ont brillamment relevé le défi en proposant une production quasi exemplaire. Les tableaux se succèdent avec changements de décors à vue et l’histoire s’installe ainsi, faisant oublier la brièveté de l’opéra. L’esprit reste baroque avec rochers en carton-pâte, coquille géante et sirènes tombant des cintres et même si le kitsch n’est pas très loin, la féerie est assumée et le spectacle offre même une certaine poésie avec notamment des acrobates. On pourrait regretter une psychologie assez sommaire car le jeu des chanteurs n’est pas profondément fouillé mais peu importe, la musique de Purcell apporte son lot d’émotions. La fameuse scène finale avec la lamentation de Dido est d’une absolue beauté, Vivica Genaux se noyant dans les voiles bleus de la mer.

operaderouenDidon©JeanPouget

operaderouenDidon©JeanPouget

Avec des sons dans les joues et un aigu détimbré, l’air d’entrée de la mezzo-soprano américaine laissait craindre le pire, en cette matinée. Fort heureusement, la voix s’est assouplie en cours de représentation et le couple qu’elle forme avec le baryton viril d’Henk Neven a très bien fonctionné. Dans le rôle de la magicienne, transformée en poulpe géant, Marc Mauillon s’amuse à enlaidir sa voix sans toutefois parvenir à faire oublier le grand et beau chanteur qu’il est. Ana Quintans qui chante Belinda couronne une belle distribution où chaque rôle est bien caractérisé avec notamment, pour les deux sorcières (Caroline Meng et Lucile Richardot), deux voix très dissemblables ce qui permet un effet d’étrangeté bienvenu. Le chœur accentus, toujours à son meilleur, sait jouer de ses velours et des couleurs pour souligner l’action ou pour nous faire entendre des douceurs, notamment lors de la scène finale.

© Jean Pouget

© Jean Pouget

La palme revient cependant au maître de cérémonie, Vincent Dumestre, à la tête de son orchestre le Poème Harmonique qui se glisse dans Purcell avec naturel. A l’inverse d’un Teodor Currentzis (à l’affiche, il y a peu, à la cité de la musique) qui jouait des contrastes à l’extrême, du plus sublime au plus trivial, la vision de Dumestre est beaucoup plus nuancée et toujours limpide. Aux changements de tableaux, on se laisse même à redécouvrir cette musique, pourtant bien connue.

Depuis 2010-2011, le Poème Harmonique est en résidence à l’Opéra de Rouen Haute-Normandie qui, avec celle plus ancienne d’accentus, peut s’enorgueillir de ses choix. Dido & Aeneas est une très belle réussite qui sera repris à Versailles, les 14 et 15 juin 2014.

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