image menu.png
Karine Deshayes transcende la Damnation à la Philharmonie

Karine Deshayes transcende la Damnation à la Philharmonie

La Damnation de Faust a encore fait trembler les murs à Paris ! A la Philharmonie, quelques coups du destin sont venus modifier l’affiche du concert exceptionnel de l’Orchestre de Paris. Berlioz en sort-il vainqueur malgré tout ? Réponse...

© Mathias Benguigui Pasco and co

© Mathias Benguigui Pasco and co

Il se passe décidément bien des choses à l’Orchestre de Paris. 2019-2020 est une saison charnière où la grande formation française, en attente de son nouveau directeur musical, teste plusieurs chefs en les invitant à diriger les concerts. A l’issue, il n’y aura qu’un seul élu qui, à partir de 20-21, présidera au futur d’un orchestre actuellement en pleine forme. Un renouveau naturel s’étant opéré parmi les musiciens, ce sont 95 fringants instrumentistes qui se sont produits devant le public de la Philharmonie de Paris, ce mercredi 15 janvier 2020. Puisque la version de concert de la Damnation de Faust de Berlioz le réclame, 230 chanteurs des chœurs de l’Orchestre de Paris et quatre solistes ont fait grossir les rangs.

Le chef hausse le son

© Mathias Benguigui Pasco and co

© Mathias Benguigui Pasco and co

Le jeu des rumeurs toujours vain plaçant Tugan Sokhiev en bonne position, une attention toute particulière s’est portée sur la direction du chef russe qui est pourtant un familier des lieux. Les mélomanes se souviennent certainement l’avoir déjà entendu conduire (Salle Pleyel en 2013) le chef-d’œuvre de Berlioz à la tête de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse, la formation qu’il dirige depuis 2008. Ils connaissent le geste sûr, la maîtrise des ensembles et également son goût pour un son généreux. La parfaite acoustique de la Philharmonie de Paris lui offre une clarté qui avantage sa lecture franche et terrienne. C’est d’ailleurs dans les moments de pure symphonie (menuet des feux follets) où Sokhiev s’exprime pleinement en faisant sonner l’Orchestre de Paris très à l’aise. Le galop final d’une course à l’abîme haletante est l’un des grands moments de la soirée où les chœurs se sont montrés particulièrement brillants. La partition de Berlioz offre un boulevard à la fois aux instrumentistes (tous excellents comme le hautbois profond d’Alexandre Gattet) et à la grande formation vocale qui réunit adultes et enfants toujours intelligibles. Grâce au travail préparatoire remarquable de Lionel Sow, les chœurs ont été l’un des acteurs majeurs de la soirée à l’égal des solistes. Dans le court rôle de Brander, il est dommage que Renaud Delaigue trop débraillé ne se soit pas inspiré de la parfaite tenue vocale de ses collègues choristes.

Un Faust vertueux face à Marguerite, hélas !

Karine Deshayes © Aymeric Giraudel

Karine Deshayes © Aymeric Giraudel

Quelques aléas classiques sont venus chambouler la distribution originale avec à l’affiche, un nouveau baryton et surtout un ténor annoncé peu de temps avant la soirée. Familier du rôle de Faust, Paul Groves en connait les difficultés. Les aigus passés en voix de tête avec adresse ratent parfois la cible mais le ténor honore son contrat en sauvant la représentation de façon respectable. Avec un français très compréhensible, il incarne un personnage convainquant et laisse passer une émotion sincère malgré les tensions vocales. Ildebrando D'Arcangelo ne s’embarrasse pas des mêmes subtilités de la langue. Sa voix au timbre somptueux coule comme un robinet à notes. Dans la chanson de la puce, elle peine à se projeter et coince curieusement dans les aigus. Annoncé souffrant à la reprise, le baryton comme absent continuera néanmoins à chanter avec plus de facilités mais un sens du théâtre toujours aussi réduit. Dommage que Méphistophélès ne sache donner la réplique à Marguerite réellement incarnée par l’exquise Karine Deshayes. L’artiste accomplie qui pose son personnage en une phrase capte toute l’attention. L’orchestre semblerait presque prosaïque dans La Ballade du Roi de Thulé racontée avec délicatesse et raffinement. Vocalement souveraine, la mezzo domine les ensembles où les aigus fusent et percent la puissante masse orchestrale.  Les graves se perdent doucement dans D'amour l'ardente flamme... qui s’achève sur un « hélas » d’anthologie, tout simplement déchirant.

Tugan Sokhiev est-il le prochain directeur musical de l’Orchestre de Paris ? Les jeux ne sont pas encore faits. Cependant une chose est sûre. Ce soir c’est Karine Deshayes qui a remporté la mise !

Saül en scène au Théâtre du Châtelet

Saül en scène au Théâtre du Châtelet

Providentiel retour de Fortunio à l’Opéra Comique

Providentiel retour de Fortunio à l’Opéra Comique