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Impériales, Marina Rebeka et Karine Deshayes jouent les reines au TCE

Impériales, Marina Rebeka et Karine Deshayes jouent les reines au TCE

Le mélomane se réjouit de retrouver la série des Grandes Voix à Paris surtout lorsque le rendez-vous proposé réunit deux artistes au sommet de leur art. Avec un récital 100% belcanto, Marina Rebeka et Karine Deshayes ont-elles atteint l’Everest ? Réponse…

Marina Rebeka © Tatyana Vlasova - Karine Deshayes © Aymeric Giraudel

A Paris, les récitals se suivent et ne se ressemblent pas. Dans le cadre de l’excellente série « Les Grandes Voix » (une des rares à Paris qui propose des rendez-vous lyriques d’une exceptionnelle qualité), le duo Marina Rebeka/Karine Deshayes a succédé à celui formé par Nadine Sierra et Pretty Yende quelques jours plus tôt à la Philharmonie. Autre affiche, autre lieu, autre ambiance, c’est au Théâtre des Champs-Elysées plus intime que les mélomanes ont retrouvé la soprano lettone et la mezzo française, le mardi 21 mars 2023, pour assister non plus à un grand show vocal mais à un exercice raffiné et de haute volée. Le concert de bel canto dirigé par Speranza Scappucci était entièrement dédié à la musique de Donizetti, Rossini et Bellini.

Les femmes de pouvoir à la conquête du TCE

Marina Rebeka © Janis Deinat

À l'instar de mesdemoiselles Yende et Sierra, Marina Rebeka et Karine Deshayes se connaissent bien pour avoir partagé la scène quelques fois. A l’affiche de Norma au Capitole de Toulouse en 2019, les deux artistes se sont retrouvées depuis devant les micros pour immortaliser leur prestation dans une intégrale à paraître. Le programme qui annonçait des « Femmes de pouvoir » (les reines de Donizetti et Rossini et la druidesse de Bellini) pouvait également se comprendre avec la présence sur scène de la cheffe Speranza Scappucci venue compléter le duo de conquérantes. A la tête de l’Orchestre de chambre de Paris très impliqué, sa conduite fiévreuse et théâtrale a accompagné les voix en servant la musique. Le prélude de Maria Stuarda, assez inhabituel en concert, a ouvert la première partie brillamment tandis que la sinfonia bien connue de Semiramide de Rossini a inauguré la seconde de façon plutôt surprenante, en cause un manque d’ampleur et d’allant. Péché véniel tant la soirée a été rythmé par l’excellence. Le prélude à peine achevé, Marina Rebeka est entrée la première pour entamer « Nella pace del mesto riposo » extrait de Maria Stuarda de Donizetti. Le soprano bien placé n’a aucun mal à envahir toute la salle produisant beaucoup d’effets sur un public conquis par une vocalise mesurée et des aigus généreux. Karine Deshayes poursuit sur la même ligne avec « Ah! Quando all’ara scorgemi » en s’imposant dans un récitatif affirmé avant de séduire avec un chant nuancé qui nous plonge dans une autre dimension.

Honore le bel canto, il te le rendra…

Karine Deshayes © Aymeric Giraudel

Le bel canto sera bien à l’honneur ce soir avec Rossini et Bellini mais Donizetti ayant composé plus d’opéras (70 contre 40 pour Rossini et une dizaine pour Bellini), il occupe à lui seul la première partie avec ensuite des extraits d’Anna Bolena. L’attaque franche de la fameuse scène de la folie trouve ensuite les accents délicats et la musicalité de Marina Rebeka, magnifique interprète. Moins spectaculaire mais peut-être plus redoutable, l’air « Per questa fiamma » chanté par Karine Deshayes est incarné et impressionne avec des aigus d’une belle clarté. Dans le duo extrait de l’acte II d’Anna Bolena, deux femmes déchirées s’affrontent et pourtant les timbres s’épousent jusqu’à la note finale, éteinte au même moment. A l’écoute l’une de l’autre, les deux artistes défendent ce répertoire exigeant sans feindre la complicité. Même si le duo « Non bastan quelle lagrime » (Elisabetta, regina d’Inghilterra de Rossini) semble moins abouti, le chant droit et opulent de la soprano répond à la sensualité et aux nuances de la mezzo. Le trille surprenant, les longues phrases aux nombreuses nuances et la vocalise en mitraillette du « Bel raggio lusinghier » (Semiramide) sont une démonstration du grand art de Karine Deshayes capable, comme on le sait, de passer avec une rare facilité au répertoire du dessus. Le « Casta diva » sur le fil sera néanmoins chanté par Marina Rebeka. La soprano reste sur une ligne vocale très pure stylistiquement et nous gratifie d’un messa di voce sur la note finale. Les deux merveilleuses voix se retrouvent dans un duo « Mira, o Norma » d’anthologie qui s’assimile à un chant d’amour. Il y a une évidence dans ces deux grandes voix qui sont au service de ce qu’elles chantent. Le moment suspendu sera suivi d’un délicieux clin d’œil à Mozart avec en bis une superbe « Canzonetta sull'aria » suivie d’une reprise du duo de Bellini. Ce soir, sous le regard attentif d’un public connaisseur et respectueux, Marina Rebeka et Karine Deshayes ont sans nul doute écrit une superbe page dans la grande histoire du beau chant.

 

Le concert enregistré par France Musique sera diffusé samedi 13 mai à 20 heures.

Marina Rebeka et Karine Deshayes au Théâtre des Champs-Elysées © Les Grandes Voix

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