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Révélations et consécrations des Voix Nouvelles, édition 2023

Révélations et consécrations des Voix Nouvelles, édition 2023

Le mélomane féru de découvertes ne louperait pour rien au monde le Concours Voix Nouvelles surtout parce qu’il ne se tient que tous les quatre ans ! En 2023, la 5ème semble avoir tenu toutes ses promesses à quelques exceptions près. Explications…

Lauranne Oliva / Voix Nouvelles 2023 © Stefan Brion

Voilà plus de cinq ans que l’on attendait le nouveau visage des Voix Nouvelles. Après avoir révélé Natalie Dessay, Karine Deshayes, Stéphane Degout ou encore la comète Alexia Cousin, le prestigieux concours avait joué à cache-cache avec les mélomanes qui ont pu suivre les quatre précédentes éditions de 1988, 1998, 2002 et 2018. Renaissant une nouvelle fois de ses cendres sous l’impulsion de Jérôme Gay, le nouveau dynamique et compétent directeur, la compétition a connu son apothéose ce dimanche 8 octobre 2023 à l’Opéra Comique. Lors de la grande finale, sept des dix candidats ont été récompensés, mettant fin à un suspens qui aura duré plusieurs mois. Même si le choix du jury (composé de 40 membres à parité égale) est irréfutable, le palmarès a cependant été accueilli avec étonnement.

Des révélations en première partie et déjà des chouchous

Livia Louis-Joseph-Dogué / Voix Nouvelles 2023 © Stefan Brion

Une ambiance toute particulière régnait place Boieldieu comme lors d’une soirée de gala. Même si elles n’ont pas forcément occupé l’un des fauteuils réservés aux jurés, de nombreuses personnalités du monde de l’opéra étaient présentes dans la salle pour assister au spectacle, animé avec bienveillance et professionnalisme par la journaliste Aliette de Laleu. Passant d’un répertoire à l’autre avec aisance, le cheffe Chloé Dufresne a fait un travail remarquable à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Nice. Après la sélection des 396 postulants et les phases des demi-finales, les dix candidats retenus de 20 à 31 ans ont présenté deux airs chacun dont un en français, une obligation pour un concours censé découvrir, accompagner et promouvoir de jeunes artistes de l’espace francophone. Avec Agnès Jaoui comme marraine et sous l’impulsion de Jérôme Gay (Président de Génération Opéra l’organisateur du concours), la compétition s’est ouverte avec Emy Gazeilles. La soprano de 23 ans, déjà bien connue des mélomanes (elle fait notamment partie de la nouvelle troupe de l’Opéra national de Paris), a frappé fort avec un messa di voce sur son premier extrait « Oh! quante volte » (I Capuleti e i Montecchi de Bellini). Trop souvent entendu, l’air belcantiste requiert une incarnation et sans doute plus de chair pour marquer les esprits. Même s’il a été bien exécuté, il manque au « Salut à la France » (La Fille du Régiment de Donizetti) ce théâtre et l’espièglerie attendue dans l’apothéose finale. La compétition s’installe et l’on devine qu’elle sera de haut niveau avec la deuxième candidate, Lotte Verstaen. Véritable mezzo au timbre chaud, elle s’illustre sans peine dans « Oh mio Fernando » (La favorita, Donizetti) et « Adieu, forêts » (La Pucelle d'Orléans, Tchaikovsky) avec de rares notes poitrinées et une impressionnante démonstration de décibels qui, un peu forcée, peut ne pas toujours plaire aux oreilles des professionnels avisés. Les amis des Voix des Outre-mer (autre concours majeur) connaissent déjà la valeur de Livia Louis-Joseph-Dogué. Le parcours exemplaire de la toute jeune soprano de 20 ans l’a conduite jusqu’à la finale où cette grande voix assez miraculeuse s’impose comme une révélation. Alors qu’elle est encore élève de Conservatoire, la maturité dans l’air de Micaëla (Carmen de Bizet) avec un respect scrupuleux de la partition et surtout l’émotion brute distillée avec Liu (« Tu, che di gel sei cinta » extrait de Turandot de Puccini) donne le frisson. Comme elle, Léo Vermot-Desroches possède un aigu cristallin mais quelques sons tubés empêchent de savourer pleinement la voix du ténor de 31 ans. Avec de jolis pianos mais aussi des aigus trop poussés, « La chanson de Kleinzach » (Les Contes d'Hoffmann d’Offenbach) et « È la solita storia… » (L'Arlesiana, Cilea) sont conduits dans une diction remarquable qui ne suffira peut-être pas à lui assurer une place en haut du palmarès, surtout qu’Héloïse Poulet lui emboite le pas ! Réussir un concours dépend en grande partie du choix des airs présentés. La soprano a fait un sans faute avec « Aux langueurs d'Apollon » (Platée de Rameau) et « Amour, ranime mon courage » (Roméo et Juliette de Gounod) où la démonstration de ses nombreux talents (sens de la scène, beau legato, conduite vocale maîtrisée) ne laisse aucun doute sur une récompense.

Des confirmations en deuxième partie et un palmarès inattendu

Héloïse Poulet / Voix Nouvelles 2023 © Stefan Brion

Après la pause, le concours repart de plus belle avec Juliette Mey, la deuxième mezzo, connue pour avoir remporté un prix au Concours Reine Élisabeth de Belgique. La diction française perfectible dans le court air « Enfin, je suis ici » (Cendrillon de Massenet) n’est pas un handicap mais le doux ennui qui s’installe dans l’autre air, « Nacqui all'affanno... Non più mesta » (La Cenerentola, Rossini) plombe la prestation. La voix est pourtant bien conduite mais, dans cet air à vocalise surexploité lors des concours, l’on a déjà entendu tellement plus spectaculaire que l’artiste semble être passée à côté de son concours. Lauranne Oliva faisait partie des favorites car elle a remporté le premier prix du Paris Opera Competition trois semaines plus tôt. La très jolie soprano (entendue une semaine avant dans Miss Ellen de Lakmé à l’Opéra de Nice) a choisi le traditionnel « Caro nome » (Rigoletto de Verdi) où la juvénilité de son timbre fait mouche dans une interprétation soignée et délicate. Elle aussi a choisi « Salut à la France » mais l’air cette fois est plus incarné avec une diction, des couleurs et des nuances plus que satisfaisantes. Alors qu’il mène également un prometteur début de carrière sur les planches, le ténor Valentin Thill était très attendu dans la compétition où il faisait également figure de favori. Un choix audacieux mais périlleux l’a malheureusement desservi. « Sur les monts les plus sauvages » (Benvenuto Cellini de Berlioz) sollicite un aigu que l’artiste ne maîtrise pas encore et qui s’effondre dans l’air plus léger « Firenze è come un albero fiorito » (Gianni Schicchi de Puccini). La soirée a été compliquée comme pour les mélomanes dans la salle qui connaissent son travail et qui ont souffert avec lui. Avant-dernière candidate, la mezzo Linsey Coppens possède de la personnalité qu’elle n’exploite pas assez pour faire croire à son personnage de petit page dans « Nobles seigneurs, salut! » (Les Huguenots, Meyerbeer). Le tube « Una voce poco fa » (II Barbiere di Siviglia, de Rossini) réclame une expression facétieuse qu’elle délivre mais également un art de la vocalise encore trop incertain avec, ici encore, une démonstration inutile de décibels. Dernière candidate, Lila Dufy a été audacieuse en choisissant l’hymne au soleil (The Golden Cockerel de Rimsky-Korsakov) mais moins inspirée avec « En proie à la tristesse » (Le Comte Ory de Rossini). Les magnifiques nuances dans l’air russe mettent en valeur un timbre particulier que la vocalise trop disparate dans le Rossini expose et dessert avec une diction trop lâche. Il est toutefois étonnant de ne pas retrouver le nom de la soprano dans le palmarès final. Pendant la délibération du jury, les commentaires des spécialistes sont allés bon train…

Sans surprise, l’exquise Lauranne Oliva remporte le premier prix d’une valeur de 10 000 € et la jeune et talentueuse Livia Louis-Joseph-Dogué, celui du public. La suite du palmarès, en revanche, soulève quelques questions. Alors que de toute évidence, elle a réussi son concours haut la main, pourquoi Héloïse Poulet reste aux marches du podium derrière Leo Vermot-Desroches (2ème prix, 7 000€) et plus étonnant encore, Juliette Mey (3ème prix, 4 000€) ? La présence de Lotte Verstaen et Emy Gazeilles nommées 5ème et 6ème lauréates semble juste même si d’autres auraient certainement pu prétendre à ces places. La vivacité d’un concours se mesurant à l’enthousiasme et aux débats qu’il suscite, la sixième édition programmée dans quatre ans est maintenant attendue avec une grande impatience. Gloire à Lauranne Oliva (qui a également reçu le Prix des Opéras Suisses) et longue vie au Concours Voix Nouvelles !

Emy Gazeilles, Lotte Verstaen, Livia Louis-Joseph-Dogué, Léo Vermot-Desroches, Héloïse Poulet, Juliette Mey, Lauranne Oliva, Valentin Thill, Linsey Coppens et Lila Dufy - Voix Nouvelles 2023 © Stefan Brion

 La finale du Concours est retransmise sur France Musique le 29 décembre à 20h suivie d’une tournée des lauréats dans les opéras de région partenaires et à l’étranger en 2024/2025.

 Les membres du jury paritaire de l'édition 2023 :

Sandrine Abello, Directrice musicale de l'Opéra Studio de l'Opéra national du Rhin / Xavier Adenot, Délégué artistique et directeur de production de l'Opéra de Massy / Anne-Sophie Brandalise, Directrice de l'Orchestre de Paris / Francois Bernard, Délégué général et artistique de l'Opéra de Saint-Etienne / Marie-Sophie Calot de Lardemelle, Directrice du mécénat culturel de la Fondation Orange / Edith Canat de Chizy, Compositrice / Valérie Chevalier, Directrice générale de l'Opéra Orchestre national de Montpellier / Mariame Clément, Metteuse en scène / Émilie Delormes, Directrice du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris / Chrysoline Dupont, Directrice de l'administration artistique de l'Opéra-Comique / Matthieu Dussouillez, Directeur général de l'Opéra national de Lorraine / Jérôme Gay, Président de Génération Opéra / Claire Gibault, Cheffe d'orchestre, fondatrice du Paris Mozart Orchestra / Anne Gubian, Directrice artistique des Victoires de la Musique Classique / Emmanuel Hondré, Directeur général de l'Opéra national de Bordeaux / Dieter Kaegi, Directeur du Theater Orchester Biel Solothurn / Catherine Kollen, Directrice artistique de l'ARCAL / Martin Kubich, Directeur de Vichy Culture - Opéra de Vichy / Loïc Lachenal, Directeur de l'Opéra de Rouen Normandie / Julia Lagahuzère, Directrice d'Opera for Peace / Louis Langrée, Chef d'orchestre et directeur de l'Opéra-Comique / Nathalie Manfrino, Artiste lyrique / Ludovica Marsili, Responsable du mécénat musical du groupe Caisse des Dépôts / Richard Martet, Rédacteur en chef d’Opéra Magazine / Alain Nonat, Directeur général et artistique du Théâtre Lyrichorégra 20 / Alain Perroux, Directeur général de l'Opéra national du Rhin / Matthieu Rietzler, Directeur de l'Opéra de Rennes / Bertrand Rossi, Directeur général de l'Opéra de Nice / Eric Rouchaud, Directeur du Théâtre impérial -Opéra de Compiègne / Aline Sam Giao, Directrice générale de l'Orchestre philharmonique Royal de Liège / Susanne Schmidt, Directrice du casting de l'Opéra des Flandres / Caroline Sonrier, Directrice générale et artistique de l'Opéra de Lille / Alain Surrans, Directeur général d'Angers-Nantes Opéra / Jean-Philippe Thiellay, Président du Centre national de la musique / Vanessa Wagner, Pianiste et directrice artistique du Festival de Chambord

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