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Julien Chauvin pionnier de la renaissance Gluck à Soissons

Julien Chauvin pionnier de la renaissance Gluck à Soissons

Les mélomanes ne sont jamais à court d’envies. Alors que les grandes villes entament leur nouvelle saison, de belles occasions s’offrent encore à eux pour continuer leur périple de festivaliers comme à Soissons où l’attend le chevalier Gluck. Compte-rendu…

Festival de Laon / Iphigénie en Aulide © Claude Barthelmé

La saison des Festivals ne s’arrête pas à l’été. Les hauts lieux touristiques visités par les mélomanes estivaux ne sauraient faire oublier d’autres destinations comme Laon ou Soissons. Pendant un mois, (du 15 septembre au 16 octobre 2022), le Festival de Laon, pour sa 34ème édition, fait honneur à la voix en recevant quelques grands noms de la scène lyrique française, dans divers lieux. Le dimanche 3 octobre 2022, c’est à Soissons qu’une très belle distribution s’est retrouvée pour interpréter une version de concert de l’Iphigénie en Aulide de Gluck. La ville qui possède un joli patrimoine à visiter s’est dotée, il y a quelques années, d’une Cité de la musique et de danse. Dans la salle moderne à l’acoustique claire, les musiciens du Concert de la Loge et leur chef Julien Chauvin ont été accueillis pour faire revivre une partition qui n’attendait que cela !

Ô bienheureuse Iphigénie !

Festival de Laon / Iphigénie en Aulide © Claude Barthelmé

Les opéras de Gluck connaissent des succès variés. Outre l’Orphée et Eurydice, le chef-d’œuvre absolu vu un peu partout, peu de titres sont très régulièrement à l’affiche malgré leurs qualités certaines. Armide et Iphigénie en Tauride ont eu plus de chance que leur sœur ainée enfermée en Aulide, même au disque. Alors que les mélomanes peuvent se satisfaire de belles versions baroques des trois titres phare, une seule version d’Iphigénie en Aulide signée John Eliot Gardiner apporte une relative satisfaction, l’éminent chef anglais ayant choisi l’Orchestre de l’Opéra de Lyon sur instruments modernes. Il était temps de redonner à l’héroïne sa patine historique pour retrouver les charmes et la vivacité d’une partition des plus intéressantes. Avec les forces du Centre de Musique Baroque de Versailles, son providentiel directeur artistique Benoît Dratwicki et Julien Chauvin ont reconstitué une version revue, augmentée et corrigée avec des indications de Monsieur le Chevalier W. Gluck en personne. Reconnaissons avec humilité que seuls les plus érudits peuvent déceler les intentions du compositeur et les repentirs apportés à cette nouvelle partition (amenée à être enregistrée avec une parution en 2024). En revanche, dans la texture même des sonorités de l’orchestre, il est aisé d’apprécier les percussions à peau, les cors naturels qui sonnent particulièrement juste et les timbres de chaque instrumentiste. Un travail des plus remarquables a été fait en amont par Fabien Armengaud. La diction du chœur, chose rare, permet sans sous-titres de comprendre à la virgule près les mots des exceptionnels Chantres du CMBV, véritables protagonistes de l’action.

Cyrille Dubois se consume pour son Iphigénie

Cyrille Dubois © Philippe Delval

La triste histoire d’Iphigénie et de sa famille dysfonctionnelle a souvent été contée. Dans l’épisode en Aulide, les Atrides sont encore réunis autour de la figure autoritaire d’Agamemnon. D’abord plus droit qu’émouvant, Tassis Christoyannis chante les tourments du père obligé de sacrifier sa fille préférée, Iphigénie. Le baryton qui ne revient qu’à la fin de l’ouvrage saura convaincre sans réserve dans les déchirements et les emportements où la voix se teinte de plus de couleurs. Les airs de son épouse Clytemnestre (sous les traits de Stéphanie D’Oustrac) oscillent entre lamentation et véhémence où la mezzo est à son meilleur. Il est heureux de retrouver cette grande voix dans la tragédie lyrique, son élément naturel. Même si le timbre soyeux de Judith van Wanroij convient à la fragile mais déterminée Iphigénie, la projection pose problème. La soprano si souvent appréciée pour son engagement vocal et scénique, semble chanter plus pour les micros que pour la salle. Ses grands airs arrivent néanmoins à bouleverser grâce à l’attention du chef qui porte ses chanteurs avec un sens du théâtre toujours accru. Nul besoin de soutien pour Cyrille Dubois qui brûle de passion. Le ténor, déjà adulé et célébré grâce à ses moyens vocaux d’exception, trouve de nouvelles ressources pour nous surprendre encore. La puissance qu’il déploie dans le tonitruant air avec choeur "Chantez, célébrez votre reine" décoiffe avec des aigus stratosphériques amenés comme si de rien n’était… L’aisance se retrouve également dans les nuances et l’éventail de couleurs qui font que l’artiste domine une distribution pourtant de très haut niveau. David Witczak (Patrocle, Arcas, Un Grec) et Jean-Sébastien Bou (Calchas) incarnent avec une autorité naturelle les trop courts rôles qui leur ont été confiés. Trois Grecques issues des rangs des Chantres, Anne-Sophie Petit, Jehanne Amzal et Marine Lafdal-Franc sont également à citer. Pour être complète, la fin heureuse de l’opéra devrait se doubler de nombreuses reprises et d’une mise en scène. Après le très bel Orfeo de Jakub Józef Orliński et la reprise de cette Iphigénie au Théâtre des Champs-Elysées, la prochaine production d’Armide à l’Opéra Comique (avec Véronique Gens, à partir du 5 novembre 2022) et Echo et Narcisse à l’Opéra Royal de Versailles (le 21 octobre 2022 avec encore Cyrille Dubois), un vent favorable fait revenir le Grand siècle de l’opéra français sur le devant de la scène. Espérons de tout cœur être au prémices d’une renaissance Gluck, déjà magnifiquement portée par le CMBV et Julien Chauvin.

La Semele incandescente d’Elsa Benoit à l’Opéra de Lille

La Semele incandescente d’Elsa Benoit à l’Opéra de Lille

Vibrant hommage de l’Orchestre de Chambre de Paris à Lars Vogt

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