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L’hommage tant attendu à Christiane Eda-Pierre

L’hommage tant attendu à Christiane Eda-Pierre

Trop souvent les Français considèrent que l’herbe est plus verte chez les voisins. Il nous arrive fréquemment de reconnaître le talent exceptionnel de telle diva russe ou américaine oubliant nos propres artistes que l’on redécouvre quand il est hélas trop tard. Explication...

Le 6 septembre 2020 disparaissait l’une des plus grandes voix françaises. Après une carrière exceptionnelle, la soprano Christiane Eda-Pierre méritait sans aucun doute des hommages bien plus nombreux (que les circonstances sanitaires ont certainement empêchés). Le plus vibrant vient d’être rendu par l’association Les Contres Courants et le comité Voix des Outre-mer qui ont organisé un concert exemplaire, ce samedi 3 juillet 2021. Prévu initialement Salle Gaveau, il a eu lieu à l’Opéra national de Paris (Amphithéâtre de l’Opéra Bastille). La grande institution nationale s’est saisie de l’occasion pour honorer la mémoire de l’une de ses plus belles représentantes. En effet, avant d’être la star incontestée du Palais Garnier ou du Met, mademoiselle Eda-Pierre a fait partie de la troupe de la Réunion des Théâtres Lyriques Nationaux qui réunissait alors l’Opéra de Paris et l’Opéra Comique. Tout au long de la soirée, la vie et la carrière de l’artiste ont été détaillées par Richard Martet, conteur de grand talent qui a ponctué sa narration érudite par quelques anecdotes passionnantes. Le rédacteur en chef d’Opéra Magazine a rappelé les propres mots de la soprano qui soulignait qu’il fallait travailler deux fois plus pour réussir lorsqu’on était noire. Les Voix des Outre-mer ont réussi ce qui semblait inconcevable à l’époque de la cantatrice, réunir sur scène six artistes absolument magnifiques. Alors que certains chanteurs sont encore étudiants au conservatoire, ils se sont produits aux côtés de leurs parrains et marraines confirmés dans une homogénéité remarquable. La soirée a été ponctuée par de nombreuses surprises.

Christiane Eda-Pierre, première Voix des Outre-mer

Christiane Eda-Pierre (c) DECCA

Christiane Eda-Pierre (c) DECCA

Les participations exceptionnelles de Patrizia Ciofi et de la mezzo-soprano Karine Deshayes ont fait sensation, la soprano ouvrant le concert avec l’air de Leïla « Comme autrefois… » (Les pêcheurs de perles de Bizet) admirablement chanté. La mezzo, marraine du concours Voix des Outre-mer, a interprété pour la première fois dans l’hexagone l’air de la Comtesse des Nozze di Figaro de Mozart, « E Susanna non vien… ». Quelques rares privilégiés avaient déjà vécu ce pur moment de grâce à Saint-Pierre en Martinique, lors du Festival Filao qui avait pu se tenir en décembre 2020. A ce jour, il a été le premier et le seul à dédicacer l’ensemble de ses événements à la mémoire de Christiane Eda-Pierre. La grande mozartienne aurait apprécié les prestations d’Axelle Saint-Cirel et d’Aslam Safla. Alors qu’il s’apprête à faire ses débuts sur scène dans Così fan tutte, le lauréat de la deuxième édition du concours Voix des Outre-mer a préféré l’air de Figaro pour mettre en avant ses beaux moyens. Le timbre fruité de la jeune mezzo sied parfaitement au rôle de Sesto, héros fiévreux de La clemenza di Tito brillamment incarné. Dans un magnifique duo des fleurs de Lakmé, Axelle Saint-Cirel a donné la réplique à Clara Bellon. La soprano a généreusement affiché ses aigus faciles dans le redoutable air de la poupée des Contes d’Hoffmann, sous le regard bienveillant d’Annick Massis présente dans la salle.

Talents d’hier et d’aujourd’hui

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 Le chemin parcouru par ces jeunes artistes est impressionnant comme celui de Candice Albardier, jeune talent Voix des Outre-mer 2020 qui confirme tous les espoirs placés en elle. Déjà bien avancée dans une carrière des plus prometteuses, l’impressionnante Marie-Laure Garnier, toute première lauréate du concours et récente Révélation des Victoires de la Musique a ébloui les spectateurs de l’Amphithéâtre-Bastille en interprétant l’air de Vitellia, «Non più di fiori » (La clemenza di Tito). Les artistes ont pu compter sur un exceptionnel partenaire. Toujours à l’écoute, le pianiste Jeff Cohen a été plus qu’un accompagnateur, un véritable ami en osmose avec le plateau vocal sautant avec grâce d’un répertoire à l’autre. Mozart, Offenbach, Delibes étaient les compositeurs familiers de Christiane Eda-Pierre qui, en pionnière, a également abordé la musique baroque. Pour évoquer ce pan souvent méconnu, Edwin Fardini, le lauréat 2021, a apporté sa superbe en chantant Rameau (« Monstre affreux » extrait de Dardanus) avec aplomb et une diction très appréciable. Haendel était également au programme avec Alcina et l’air de la magicienne interprété par le contre-ténor Fabrice di Falco. Très en beauté dans une élégante veste-robe, le président des Voix des Outre-mer cultive l’androgynie de sa voix dans un surprenant et très réussi « Ah ! Mio cor ». A la fin du concert, l’artiste a apporté une touche d’émotion supplémentaire en évoquant quelques souvenirs personnels de Christiane Eda-Pierre.

Alors que l’époque réclame la diversité, il semble pertinent de s’interroger sur l’absence d’une exposition consacré à la seule diva ultramarine à l’Opéra national de Paris, dans sa maison. En parcourant le programme de la saison 2021-2022 de la première scène où les chanteurs français sont sous-représentés, il convient assurément de demander aux autorités, qu’attendez-vous pour reconnaître et mettre en avant vos talents ? Ils sont à portée de main comme le prouve cet exceptionnel concert hommage du 3 juillet.

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