Pourquoi les artistes annulent leurs représentations ?
C’est un drame, une horreur, une calamité lorsque l’on découvre que sa soprano préférée a annulé. Pourquoi nous a-t-elle fait ça, alors qu’on avait acheté le billet un an et demi à l’avance ? Et d’ailleurs, pourquoi les artistes annulent ? Eléments de réponse…
L’histoire se répète. Une grande soprano annule une série de représentations et une foule de mécontents demande le remboursement. Un changement de distribution, un désistement ou le mot « complet » peuvent provoquer un véritable drame chez plus d’un mélomane. Cette histoire est éternelle puisqu’il s’agit tout simplement de passion…
Lorsque les maisons d’opéra et les salles de concert annoncent leur saison musicale, celle-ci a été élaborée bien en amont. Dès lors, il n’est pas étonnant que pour toutes sortes de raisons, l’affiche ne soit pas conforme au programme annoncé. Dans le cas des superstars du chant, leur emploi du temps est élaboré trois voire quatre saisons auparavant. Impossible alors de connaître avec certitude l’évolution de la voix et son adéquation avec de nouveaux rôles.
Lorsqu’un chanteur renonce à un engagement, il convient plutôt de saluer son professionnalisme. Le légendaire caprice de diva n’étant plus guère d’actualité (sauf cas exceptionnel) les seuls responsables des annulations de dernière minute sont bien souvent les virus qui attaquent des gosiers très exposés. Tout mélomane a été confronté au moins une fois dans sa vie à ce genre de désagrément. D’ailleurs, la réputation de certains chanteurs s’est faite aussi sur ces désistements spectaculaires comme ceux de Maria Callas, de Montserrat Caballé ou de Luciano Pavarotti. Dans les années 90, faute de doublure, l’opéra de Vienne a été obligé d’inviter les spectateurs déjà assis dans la salle à rentrer chez eux, alors que la plupart avait fait le déplacement de l’étranger spécialement pour le ténor. Même si les chanteurs possèdent une aura quasi divine, ils ne sont pas à l’abri d’un vulgaire rhume, comme tout le monde.
Avec ou sans la star, « the show must go on » !
Rappelons qu’une représentation d’opéra demande un gigantesque travail en amont. Et les artistes ne sont payés qu’au cachet. S’il ne se produisent pas, ils n’ont rien. A propos d’argent, l’on raconte qu’un ténor très en vue se rendrait toujours disponible pour des concerts privés quitte à annuler ses engagements. Même si les émoluments sont plus importants lorsque l’on se produit pour des entreprises, la carrière d’un artiste se construit sur scène et aucun professionnel ne se risquerait à se fâcher avec La Scala ou avec l’Opéra national de Paris pour quelques euros de plus.
Il faut savoir voir le verre à moitié plein. Les salles habituées parent souvent au problème en engageant une doublure. Cette opération a permis à de nombreux artistes de se faire un nom sur scène ou d’asseoir une réputation internationale. Ce fut le cas, entre autres, pour Daniel Harding se substituant à Simon Rattle, pour Matthias Goerne à Thomas Hampson, pour Luciano Pavarotti doublure de Giuseppe Di Stefano ou pour Salvatore Licitra remplaçant… Luciano Pavarotti !
Il est des changements de distribution moins prestigieuses mais pour autant, rien ne justifie de faire payer son amertume aux artistes sur scène. Même si la prestation n’est pas à la hauteur de l’attente, de faibles applaudissements remplacent toujours de façon plus civilisée les huées humiliantes. Mais lorsque l’on touche aux passions, à l’opéra comme au théâtre, le rire n’est pas loin des larmes, le plaisir du mécontentement.