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Le Teatro Massimo de Palerme ouvre les portes du Château de Barbe-Bleue

Les escapades du mélomane voyageur le conduisent forcément un jour ou l’autre au fameux Teatro Massimo de Palerme. Le doublé à l’affiche avec Château de Barbe-Bleue et glückliche Hand valait-il le déplacement ? Réponse…

Atala Schöck et Gabor Bretz © Rosellina Garbo

On peut penser que le plus grand opéra italien se trouve à Rome ou à Milan. On imagine aussi que c’est à Turin, Florence ou Naples où l’on ose les programmations audacieuses. C’est pourtant à Palerme que les mélomanes ont été invités à assister, ce dimanche 18 novembre 2018, à une nouvelle production réunissant Die glückliche Hand d’Arnold Schönberg et Le Château de Barbe-Bleue de Béla Bartók.

Le Teatro Massimo qui est bien le plus grand opéra d’Italie propose à ses fidèles spectateurs et aux voyageurs du monde entier une offre culturelle riche qui n’a pas peur de brasser tous les répertoires. Le court opéra de Schönberg a déjà eu les honneurs de la scène en 1969 comme le chef-d’œuvre de Bartók un an plus tôt. Les portes du Château bartokien se sont ouvertes de nouveau en 1996 puis en 2005.

Les infirmières ensanglantées font grimacer les clowns défigurés

Pour cette toute nouvelle production, Francesco Giambrone, le sémillant Sovrintendente du Massimo a convié ricci/forte, célèbre duo de metteurs en scène italiens. Jouissant d’une forte réputation dans le monde, Stefano Ricci et Gianni Forte les enfants terribles du théâtre sont à la pointe de la modernité avec un point de vue souvent radical. Leur venue à l’opéra est récente et cette production qui devait marquer leurs débuts dans le genre lyrique a été précédée d’une Turandot, en juillet 2018.

© Rosellina Garbo

Après cette production à Macerata saluée par le prestigieux prix Abbiati de la Critique italienne, l’attente était grande. Elle n’a été que partiellement comblée. La réunion des deux opéras avec un prologue sur la « Musique d’accompagnement pour un film, opus 34 » de Schönberg semblait faite pour les déchaînements et les outrances. En plongeant l’action dans un décor assez beau mais peu lisible d’une chambre d’hôpital aseptisée dans une ménagerie de cirque, les metteurs en scène ont multiplié les images fortes (convulsions d’infirmières scarifiées, clowns monstrueux, cercueil d’enfant) mais n’ont pas réussi à rendre leur propos intelligible. A mi-chemin, un monologue trop long (déclamé par Guiseppe Sartori) sur les difficultés relationnelles entre Homme et Femme a fini de perdre le spectateur. Restent malgré tout quelques images réussies comme l’ouverture de la sixième porte sur le lac de larmes dans l’opéra de Bartók, l’une des rares scènes où se dégage enfin de l’émotion.

Le duc Barbe-Bleue rencontre sa partenaire idéale

© Rosellina Garbo

Les artistes sur scène sont très investis mais chanteurs en costumes traditionnels et performers ne semblent pas toujours jouer la même partition. Gábor Bretz est un Barbe-Bleue souverain et sans doute le meilleur baryton-basse actuel dans ce rôle. Même si curieusement il manque parfois de projection ce soir de première, il fait preuve d’une belle assurance vocale dans l’opéra de Schönberg en interprétant de bonne grâce les tourments de son personnage. La mezzo Atala Schöck est une Judit idéale et la grande révélation dans ce rôle au Teatro Massimo. De superbes couleurs irisent son chant qui nourrit une interprétation très nuancée.

Les mélomanes les plus pointus attendent l’ouverture de la cinquième porte où l’aigu a certes été un peu court mais où l’orchestre a déferlé comme il se devait. Gregory Vajda est un jeune chef avec un métier déjà sûr. Aussi à l’aise dans les atonalités de Schöenberg que dans les brumes de Bartók, il a conduit un Orchestre et un Chœur du Teatro Massimo dignes des plus grandes maisons d’opéra. Sa direction limpide et profonde a apporté beaucoup. Côté musique, grâce à l’ensemble des artistes, cette soirée a été une grande réussite.

En suscitant la curiosité des mélomanes et en leur proposant des spectacles de qualité, le Teatro Massimo de Palerme tient une place à part dans le paysage des maisons d’opéra en Italie, la toute première en termes d’audace et de grandeur.