Classique c'est cool

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La saison 2 de Terpsichore encore plus belle

Qu’il nous soit permis de dire en préambule que jamais nous n’aurions pu imaginer faire acte de courage ou d’une quelconque bravoure en assistant au concert, ce 17 novembre 2015. A quelques jours des terribles attentats à Paris, il est compréhensible que des spectateurs traumatisés aient choisi de rester chez eux. Mais parce que, contrairement à ce que les terroristes pensent, la musique n'est pas une menace, nous continuerons à aller au concert !

Valer Sabadus © Henning Ross

Mardi soir, l’Eglise Saint-Louis-en-l’Île a fait le plein, fort heureusement, pour accueillir l’un des concerts de la deuxième édition de l’excellent festival Terpsichore. Skip Sempé, son directeur artistique, dirigeait le Helsinki Baroque Orchestra (pour sa première venue en France) et accompagnait le contre-ténor allemand d’origine roumaine Valer Sabadus dans un programme Purcell, Bach, Händel et Vivaldi, admirablement construit. Mis à part le populaire « Round O » de Purcell, les œuvres jouées n’étaient pas parmi les plus fréquentées comme le très bel aria « Se potessero i sospi miei » tiré d’Imeneo de Händel ou le concerto brandebourgeois No. 9 (une reconstruction de Bruce Haynes) rarement entendus.

Festival Terpsichore © Jean-Baptiste Millot

Pourtant le concert n’a souffert d’aucun temps mort, en restant passionnant de bout en bout grâce, sans doute, à une belle entente entre orchestre, chef et soliste. Même si le beau son du clavecin de Skip Sempé (passé instrumentiste pour quelques morceaux) se perdait un peu dans Bach, l’acoustique de l’église Saint-Louis-en-l’Île avec sa grande réverbération a été utilisée intelligemment. En introduction de chaque partie, un solo de trompettes joué à la tribune de l’orgue retentissait dans la nef. Le Helsinki Baroque Orchestra a montré un beau dynamisme en déployant une palette de couleurs qui convenait aux différents compositeurs.

Festival Terpsichore - Skip Sempé et Valer Sabadus © Jean-Baptiste Millot

Valer Sabadus use d’une voix suave et ample qui sait habiter le lieu. Il a séduit dès son entrée avec un « O let me weep » de Purcell remarquable qui nous a fait oublier les nobles devanciers comme Alfred Deller ou Andreas Scholl. Le jeune contre-ténor fait partie de cette génération d’après qui a maintenant dépassé les difficultés techniques pour nous offrir des voix au timbre de plus en plus pur. Il nous a réservé deux moments particulièrement aériens avec « Se potessero i sospi miei » et « Sovente il sole » extrait de l’Andromeda Liberata de Vivaldi, très élégiaque. Dans « Fairest Isle » extrait du King Arthur de Purcell, la voix a épousé des sonorités de hautbois en se fondant dans un orchestre qui chaloupait joliment. Valer Sabadus fait également une belle carrière sur les planches mais c’est certainement dans les églises où son talent s’exprime le mieux car, ce 17 novembre, il a su nous envoûter en nous faisant oublier la triste actualité.

Salle Erard © Laurent Sandrès

Bach a été le fil conducteur du Festival Terpsichore 2015, au programme de neuf des douze concerts proposés dans des lieux historiques. Ce dimanche 22 novembre, la très belle salle Erard recevait deux étoiles du clavecin, Olivier Fortin et Jean Rondeau, accompagnés de l’Ensemble Masques. Ce « dimanche chez Zimmermann » rappelait les concerts donnés par Bach au Zimmermannsche Kaffeehaus de Leipzig avec les deux concertos pour deux clavecins BWV 1060 et 1061 et également une ouverture de Wilhelm Friedemann Bach, (premier fils de Johann Sebastian) et la sonate en trio en Do majeur de Johann Gottlieb Goldberg. Le claveciniste qui a laissé son nom aux fameuses Variations de Bach, a été successivement élève du père et du fils. Comme compositeur, il manque toutefois à sa sonate une force expressive malgré l’engagement des musiciens (les deux violons, le violoncelle et le clavecin d’Olivier Fortin). Lors de la représentation, encadrée par les deux concertos du maître de Leipzig, elle paraissait bien fade en comparaison. Seule la Gigue finale avec les violons en canon, sort vraiment de l’aimable ennui.

Festival Terpsichore - Ensemble Masques © Jean-Baptiste Millot

L’ouverture en Sol mineur de Wilhelm Friedemann Bach présente plus d’intérêt même si l’on peut s’étonner que ces deux œuvres aient pu être attribuées à Johann Sebastian, au génie autrement plus inspiré. Les concertos pour deux clavecins BWV 1060 et 1061 sont en bonne place dans la longue liste de ses chefs-d’œuvre et constituaient les véritables temps forts de ce concert convivial.

Emmenés par Olivier Fortin, les cinq instrumentistes de l’Ensemble Masques (dont c’était également une des premières séries de représentations en France) savent exister autrement que comme simple faire-valoir des deux clavecinistes. Toutefois, le tempo du concerto BWV 1060 pris avec allant sans précipitation n’aide pas l’ensemble qui semble alors manquer de mordant. Le célèbre adagio, rythmiquement marqué par le violoncelle parfait d’Antoine Ladrette, reste étrangement statique voire hypnotique mais finit par captiver. Dans le troisième mouvement allegro, les clavecins explosent avec une déferlante de notes réjouissantes.

Olivier Fortin © Maïlis Snoeck et Jean Rondeau © Edouard Bressy/Erato

Olivier Fortin et Jean Rondeau sont les maîtres du jeu et attirent toute la lumière, surtout dans le concerto BWV 1061. Les deux solistes jouent à l’unisson avec une virtuosité discrète mais impeccable. Récemment récompensé par l’Académie Charles Cros, Jean Rondeau le cadet du duo, se fond dans l’ensemble tout en se permettant quelques petites variations bienvenues. Dans le deuxième mouvement adagio où seuls les clavecins jouent, il nous est permis d’apprécier son touché implacable tout en admirant l’approche plus sensible d’Olivier Fortin. Dans la fugue finale, la musique avance merveilleusement, laissant les deux comparses se rejoindre dans un beau moment de complémentarité. La complicité entre les artistes était palpable dans les échanges de regards et de sourires. Le public a partagé cette ambiance décontractée et réellement agréable, peut-être celle que l’on pouvait trouver au Café Zimmermann, où de jeunes gens heureux et insouciants partageaient de la musique.

Souhaitons que cette joie de vivre et la musique rayonnent de nouveau au Bataclan et pour toujours dans toutes les salles de concerts du monde entier.

Hugues Rameau-Crays

@HuguesRameau